L’acte unilatéral
L’acte ici est dit unilatéral parce qu’il
émane de la seule volonté de l’administration. Il ne nécessite pas l’accord du
destinataire, la personne ou les personnes concernées. Il s’impose
à eux tout simplement. C’est son privilège qui est, aussi, celui de l’administration.
Celle-ci ordonne, dans le sens qu’elle met en
ordre son monde et son environnement, s’organise et organise les administrés, et,
également, dans le sens de donner des ordres. Sachant que l’un ne va pas sans
l’autre. Puisque les administrés doivent faire avec cet ordonnancement et subir
ces ordres. Est-ce la dictature de
l’administration ? Nullement.
1- La définition de l’acte unilatéral
Les activités de l’administration étant très
variées, le qualificatif acte unilatéral ne les engobe pas toutes. En effet, celle-ci
fonctionne ordinairement par des instructions, des notes de service et des
circulaires qui, en principe, constituent l’autogestion courante et n’atteignent pas le statut d’actes
unilatéraux. Pourquoi ? L’acte désigné ici a ses caractéristiques.
1 Il est dit unilatéral parce qu’il
émane de la seule volonté de l’administration et s’impose aux administrés, ce
qui n’est pas le cas des circulaires et des notes services.
2 L’acte unilatéral doit apporter un changement
à l’ordonnancement juridique existant,
toucher aux droits ou devoirs des individus.
3 Il doit être enfin exécutoire, c’est-à-dire
susceptible d’être mis en exécution à un moment précis. Les vœux autant que les
projets de décisions des responsables de l’administration ne forment pas des actes
administratifs en conséquence.
2- La
diversité des actes unilatéraux:
Constitués d'arrêtés et de
décisions, les actes administratifs peuvent être différenciés de plusieurs
façons.
1 : Il y a les actes réglementaires et les actes non
réglementaires.
Les premiers sont d’une portée générale, anonymement
consacrés, comme la loi, mais, hiérarchiquement, ils lui restent subordonnés.
C’est le cas d’une décision ministérielle organisant les transports par
exemple et qui s’adresse à tous les usagers de la route.
Les seconds sont plus précis et nomment
la personne ou les personnes concernées.
Cette catégorie est dite non réglementaire ou personnelle. Elle est
considérée comme telle même quand elle vise un groupe d’individus, du moment
qu’elle spécifie en détails les composantes du groupe.
2: Les actes permissifs et les actes impératifs.
Les premiers permettent quelque chose, une
entreprise quelconque sans pour autant pénaliser le manque d’initiative dans ce
sens, l’abstention des individus pour une raison ou une autre. A titre
d’exemple, une décision administrative permettant la construction d’immeubles
de six étages dans un quartier est permissive seulement parce qu’elle ne
pénalise pas celui ou ceux qui n’ont pas
les moyens ou ne veulent pas entreprendre un tel projet.
La seconde catégorie est différente. L’acte impératif
impose à tous et chacun, dans la situation clairement établie par le texte, de
faire quelque chose ou de s’abstenir de faire, sans quoi ils risquent une
sanction. Les normes de sécurité prescrites pour construire un immeuble de six
étages doivent être respectées par tous les constructeurs, obligatoirement.
Sans quoi, ils seront sanctionnés. Construire un immeuble de sept étages dans
une zone limitée à six revient au même. C’est une transgression des règlements
en vigueur passible de sanctions graves.
3 : Les actes explicites et les actes implicites ou
tacites.
L’acte explicite formule de manière claire et nette la
volonté de l’administration, quelle qu’elle soit, positive ou négative. L’acte implicite par contre vient du silence
de l’administration. Et tout le problème est comment interpréter ce
silence ?
Il n’y a pas longtemps, le manque de réponse de
l’administration bloquait les initiatives économiques et créait un climat
d’insécurité parce que les citoyens ne savaient jamais à quoi s’attendre. Pire,
l’arbitraire puis la corruption s’immisçaient par ce couloir de pénombre.
La politique récente de
modernisation de l’administration, liée à la création des tribunaux administratifs, a pallié à ce problème en spécifiant sur
plusieurs sujets que le silence de l’administration sur les demandes légalement
fondées doit être interprété par les administrés comme une réponse favorable.
3- Les éléments de fond de l’acte unilatéral
L’importance
de l’acte unilatéral étant avérée dans
la mesure où, par principe, il change l’ordre juridique environnant, et, donc,
les situations et les statuts des individus, mais, sachant que le droit existe
pour nous assurer de la pérennité de
l’ordre établi, ces changements ne
peuvent avoir lieu que dans un cadre juridique stricte, tolérable
parce que favorable aux individus
sinon à la
collectivité et, par là, à l’intérêt général.
En effet, le
droit administratif encadre le dit acte avant même sa formulation, puis le
contenu de cette formulation, et, enfin,
sa forme, sa procédure et ses délais. En
dehors de quoi, il est entaché
d’irrégularité
voire d’illégalité et doit
en subir les conséquences.
A- La compétence :
Celle-ci est
l’habilité d’agir. Elle est strictement délimitée par le droit non
seulement pour éviter l’anarchie mais surtout afin d’établir avec précision la
responsabilité de chacun.
On a eu l’occasion d’étudier l’organisation
administrative dans ses divers aspects et, chaque fois, on a insisté justement
sur les compétences liées à chaque fonction. Au sein de l’administration
centrale, l’hiérarchisation des
fonctions et des pouvoirs reflète l’hiérarchisation des compétences. Il en va
de même au sein de l’administration décentralisée, où chacun est confiné dans
les fonctions que le législateur lui a attribuées.
1 : Les
règles de compétence :
Les règles évoquées dans ce qui suit se rapportent à
la délimitation de la compétence dans son contenu, puis d’un point de vue
territorial, et enfin dans le temps.
a- Notons
tout de suite que seul un texte juridique fonde l’habilité d’agir, la
compétence, qu’elle soit générale ou limitée. On n’improvise pas à ce stade. On
est autorisé à accomplir tel acte ou pas. Il faut ajouter ensuite que
l’hiérarchie administrative joue pleinement son rôle ici. Le responsable doit
respecter les prérogatives de ses subordonnés et vice versa. Nul n’est susceptible d’agir au nom et à la
place d’un autre sans références juridiques établies.
b- La compétence est délimitée dans l’espace également.
Si le chef du gouvernement et les ministres ont une sphère de compétence qui
englobe par principe le territoire national, ce n’est pas le cas de leurs
représentants au niveau des régions, et encore moins au niveau des communes. Les
compétences du wali, du gouverneur et
des chefs des services extérieurs sont cantonnées aux localités territoriales
où ils exercent leurs fonctions. Les mêmes règles s’imposent au sein de
l’administration décentralisée. Le président d’une commune urbaine ne peut en
aucun cas agir au lieu et à la place du président d’un conseil provincial ou
régional. L’inverse est aussi vrai.
c- Le
temps aussi délimite la compétence. Un responsable est habilité à agir dans la
période durant laquelle il occupe son poste uniquement. S’il est promu, ses
compétences changent en conséquence à la date de sa nomination effective. S’il
est transféré, il acquiert les droit et devoirs attachés à son nouveau poste, à
la date où le transfert devient effectif là aussi. Il en a va de même pour les élus locaux. La
fin du mandat électoral met fin aux compétences qui sont attachées au mandat. On
s’aperçoit alors que la compétence est
liée à la fonction pas à la personne.
2: Les
dérogations et infractions aux règles de compétence :
Les premières, ce sont les exceptions établies par le
droit afin de laisser une certaine marge de manœuvre aux décideurs au sein de
l’administration. Les secondes, ce sont les cas de figure avérés de
l’incompétence, les cas de fonctionnaires ou de personnes qui prennent des
décisions sans avoir l’autorité d’agir.
a: Les dérogations aux règles de compétence :
On retrouve ici la logique inhérente au droit positif, celle qui,
chaque fois qu’elle pose un principe, aussi stricte, rigide que soit-il,
laisse une marge de manœuvre à la pratique en formulant les exceptions
possibles pour ne point bloquer le système. Il est question des dérogations qui
permettent, par commodité ou nécessité, à une personne d’agir, soit entièrement soit
partiellement, à la place d’une autre.
La formulation
juridique de cette pratique d’exception est la délégation. Elle est de
deux sortes. Un troisième cas s’est
imposé de lui-même, c’est celui du fonctionnaire de fait :
- La délégation de signature : Dans ce cas de figure, le responsable prépare
l’acte, la décision administrative, et laisse le soin de la signer pour
l’exécution et la mise en œuvre à un autre collaborateur. Mais c’est le délégateur,
le premier, celui qui a préparée la
décision initialement qui en assume la responsabilité et, donc, les
conséquences.
- La délégation
de pouvoir : Ici,
par contre, c’est le pouvoir de décider qui est transmis, avec son lot de
responsabilité. Autrement dit, le délégataire devient le décideur effectif, il
prépare la décision en amont, la met en œuvre après, et doit en répondre le cas échéant en aval.
L’importance de cette dérogation est telle qu’elle
doit toujours être écrite, datée et limitée dans son contenu. En effet, il
n’est pas permis à une autorité administrative, quelle qu’elle soit, de se
dessaisir de toutes ses fonctions.
- Le fonctionnaire de fait : Ici la logique précédemment citée s’inverse. Ni
le législateur ni le juge n’ont prévu cette situation. Elle s’est révélée
d’elle-même par la force des choses et il a fallu l’intégrer en établissant les
conditions de sa validité.
Il s’agit de situation grave, suffisamment pour anéantir d’une manière ou
une autre les autorités administratives dans un espace précis, et au point
qu’un simple citoyen, sans prérogatives initiales, s’atèle à parer au plus
urgent, suppléer l’autorité absente et agir à la faveur de la communauté en essayant
d’organiser la vie tout autour.
Les actes décidés par cette personne peuvent acquérir
la légalité due aux actes qui auraient émanés de la personne compétente, car le
premier aura été accrédité, entre temps, du statut de fonctionnaire de fait. La
jurisprudence a néanmoins précisé les conditions de reconnaissance de ce
statut, à savoir :
1 Les circonstances de la prise de décision soient
graves, comme l’état de guerre ou de catastrophe naturelle.
2 La disparition des autorités administratives
compétentes soit avérée en conséquence.
3 Les actes accomplis par le particulier
en situation de fonctionnaire de fait restent dans le cadre et les limites des
compétences de l’autorité à laquelle il s’est substitué.
b: L’incompétence :
Celle-ci est la sanction à toute infraction aux règles
de compétence. Elle rend l’acte sujet du litige nul : inexistant ou
comme s’il n’a jamais existé.
1 L’usurpation de fonction :
« L’acte » est inexistant ici, parce qu’il ne peut avoir de
conséquences juridiques. Et pour cause, son auteur n’a aucune qualité pour
agir : élu local en fin de mandat, fonctionnaire parti à la retraite ou
dont la sphère de compétence a changé, voire un simple individu, une personne
non administrative.
2 L’usurpation de pouvoir : ici c’est le
principe constitutionnel de séparation de pouvoir qui entre en jeu pour
sanctionner tout débordement, quel qu’il en soit l’auteur. L’article 81
de la constitution clarifie les règles de conduite qui s’imposent au sein du
seul espace où il y a un mélange du genre acceptable : les décrets-lois.
Le gouvernement peut agir dans le domaine du pouvoir législatif et en son
absence mais avec l’aval préalable des commissions parlementaires concernées,
et la nécessité de la ratification ultérieure du parlement pour que les mesures
prises soient valides.
3 L’empiétement de fonction : Ce cas est
le plus vraisemblable. Quand une
autorité administrative ou une personne agit au lieu et à la place d’une autre,
s’il n’y a pas un texte qui l’autorise et le réglemente comme le pouvoir de
substitution accordé aux autorités de tutelle vis-à-vis des entités
décentralisées.
Article
77 de la Charte : « Lorsque le président du conseil communal refuse
ou s’abstient de prendre les actes qui lui sont légalement impartis, et que ce
refus ou cette abstention a pour effet de se soustraire à une disposition
législative ou réglementaire, de nuire à l’intérêt général ou de porter
atteinte à des droits des particuliers, l’autorité administrative locale
compétente peut, après l’en avoir requis, y procéder d’office par arrêté
motivé, fixant l’objet précis de cette substitution. »
En l’absence
d’une autorisation semblable, l’acte
concerné est illégale et, donc, susceptible d’annulation.
4 Les règles de forme et de procédure
L’ensemble
de ces règles a comme finalité première la création de garanties juridiques pour les citoyens
contre l’arbitraire toujours. Le non respect de ces règles entache l’acte
concerné de vice de forme ou de vice de procédure. Il ne l’empêche pas pour
autant de produire ces effets. L’acte en question doit souvent être juste corrigé
ou reformulé.
a- Les règles de forme
En principe, l’acte est écrit. Il énumère la base de droit, puis la
situation juridique ancienne, les éléments sur lesquels il édicte la nouvelle.
Autrement dit, il fait référence aux
textes sur lesquels il se fonde, la situation ou les situations de droit
constatées et les étapes juridiques franchies, avant d’arrêter la situation nouvelle ou décider ce pourquoi l’acte en
question est élaboré.
Des mesures ont été prises, au Maroc, avec
le gouvernement de Mr Jettou afin d’uniformiser les formes des arrêtés et
décisions en produisant un grand nombre de formulaires, en arabe et en
français, répondant à la majorité des situations possibles, dans le seul but de
les clarifier et en faciliter le contrôle.
Autre aspect de la forme, l’auteur de
l’acte doit le parapher de son nom, sa qualité, et sa signature. Il peut
évidemment se soustraire à cette formalité en délégant sa signature à un
collaborateur dûment habilité à recevoir cette délégation. Quelque fois, la
seule signature de l’auteur de l’acte ne suffit pas. L’acte en question doit
être contresigné par le collaborateur chargé de l’exécution de l’acte. L’article
90 de La Constitution marocaine spécifie :
« Le chef du gouvernement
exerce le pouvoir règlementaire et peut déléguer certains de ses pouvoirs aux
ministres.
Les actes règlementaires
du chef du
gouvernement sont contresignés par les
ministres chargés de leur exécution. »
Vient enfin le Visa, le sceau qui atteste
de la validité des références juridiques de l’acte et la corroboration des
faits, suffisamment pour entériner la situation nouvelle, engager l’exécution
de l’acte en question avec les droits et
les devoirs qui lui sont attachés. Cette
dernière phase peut venir, selon les cas, du ministère des finances, ou ses
représentants au sein des autres ministères, les Contrôleur des Engagements de
Dépenses dit le CED, ou des
autorités de tutelle comme dans l’exemple suivant:
« Pour
être exécutoires, les arrêtés à caractères réglementaires pris par le président
du conseil communal en vertu de l’article 47 paragraphe 2 et l’article 50
ci-dessus, doivent être revêtus du visa du ministre de l’intérieur ou son
délégué pour les communes urbaines et du wali ou du gouverneur pour les
communes rurales. » At. 76 de la Charte.
Notant toutefois que le visa du CED est obligatoire
chaque fois que l’acte concerné engage les finances publiques, alors que le
visa de la tutelle est supposé acquis si son refus n’est pas clairement
exprimé. (at.76)
b- Les règles de procédure
Si la forme se rapporte au contenant de l’acte administratif autant qu’au contenu, ce qu’y est écris et comment il
y est écris, les règles de procédure, elles, concernent le cheminement
obligatoire de l’acte en question, les étapes qu’il doit nécessairement
franchir avant d’aller plus loin, vers
l’exécution.
Elle se rapporte à la consultation, qui révèle souvent
un pouvoir hiérarchique ou un pouvoir de tutelle. Et, selon l’importance de l’objet de décision,
cette consultation peut être facultative, obligatoire ou assortie de l’avis
conforme.
Elle est facultative lorsque la loi ou les
règlements en vigueur
proposent à un décideur potentiel de consulter, chaque
fois qu’il a un doute et à titre d’information seulement, des instances plus
qualifiées techniquement dans le domaine dans lequel il va décider.
Quelque fois, par contre, la consultation est
obligatoire. Le décideur doit informer une personne ou une instance de ce qu’il
compte décider. Il informe pour que l’on sache ce qu’il décide et pour qu’on
prenne sa décision en considération à l’avenir.
La consultation assortie de l’avis
conforme enfin impose au consultant de se conformer à l’avis du consulté.
C’est-à-dire le décideur se doit obligatoirement de prendre en considération
les remarques faites par la personne ou l’instance consultée. Dans ce cas
précis, il est important de savoir que l’instance concernée devienne le
décideur effectif et, par conséquent, le
responsable potentiel.
Evidemment, pour échapper aux
contraintes de la forme et la procédure, synonymes de garanties pour les individus,
l’administration tente des fois d’utiliser des mesures de gestion ordinaire
pour réaliser des objectifs que seuls des actes administratifs pourraient le
faire. Des mesures de redéploiement par exemple du personnel peuvent cacher des
sanctions. Il revient alors au juge d’interpréter les faits.
5 L’entrée
en vigueur des actes administratifs
En principe, les actes de l’administration, tous les
actes administratifs doivent être portés à la connaissance du public avant
qu’ils ne lui soient imposables. Le droit l’oblige parce qu’il y va de la
sérénité de la société et la sécurité juridique des individus. La manière
d’informer change cependant selon la qualité de l’acte.
La publication dans le Bulletin Officiel et par tous les moyens
jugés nécessaires s’impose pour les actes règlementaires ne serait-ce que parce
que c’est le seul moyen d’informer tous et chacun.
La notification en conséquence est réservée aux actes dits non règlementaires
ou personnels. Ici, la décision ou l’arrêté doit être notifié à chaque personne
concernée. La démarche devient aussi nécessaire que scrupuleuse quand l’acte
sujet de la notification est créateur d’obligations.
Parce que les délais du recours gracieux autant
que le recours juridictionnel sont liés à la date de notification. Faute de
quoi, c’est le délai de prescription qui se met en place comme pour les
dus fiscales. Les droits attachés à un acte donné par contre ne tombent pas. Ils sont pris en considération à partir de la
date de leur création, et le manque de notification ne les altère point.
Les deux démarches font courir aussi le délai de
retrait possible des actes par l’administration. Ceci est important
d’autant que ce délai coure indéfiniment tant que la publication ou la
notification n’ont pas encore eu lieu.
6 L’exécution
des actes administratifs
L’exécution des actes administratifs, la finalité
pour laquelle ont été développées toutes les règles étudiées auparavant,
puisque sans lesquelles cette exécution n’est même pas envisageable, pose à elle seule bien des problèmes.
En effet, il y a des subtilités liées aux
dates et délais qu’il faut prendre en compte, d’autres qui viennent en
conséquences de celle-ci pour soulever les problèmes récurrents aux règles de
droit positif en général que sont la non rétroactivité de principe et la
rétroactivité possible. Il y a enfin les possibilités offertes à
l’administration pour se libérer de toutes ces contraintes afin de parer à
l’urgence, tout en sachant que le contrôle juridictionnel est susceptible d’intervenir
a posteriori.
a-
Les dates et délais d’entrée en vigueur :
La publication
et la notification révèlent
souvent
les
détails
d’entrée en vigueur
de l’acte administratif. Ce
qui n’est pas nécessairement la date de cette formalité ou celle dans
laquelle elle a été accomplie.
C’est à l’intérieur de l’acte,
dans ces dispositions qu’il faut
chercher cette date. Parce que, dans les catégories
d’actes étudiées, il y’a ceux qui sont créateurs d’une situation immédiate, une
autorisation ou une interdiction, une sanction…, et ceux qui confirment une
situation existante dans les faits mais qui n’étaient pas encore formulés
juridiquement.
L’exemple
le plus simple est celui de la personne qui a réussi un concours de recrutement
à la fonction publique. Les droits et devoirs courent à partir de la date du
concours ou la date des résultats mais l’Arrêté provisoire de nomination
viendra plus tard, l’Arrêté définitif beaucoup plus tard. Il en va de même pour
la promotion.
Autre
exemple : le décret n° 2-12-349 fixant les conditions et les formes de
passation des marchés de l’Etat ainsi que certaines règles relatives à leur
gestion et à leur contrôle est daté du 20 mars 2013 mais stipule expressément dans l’article 173 que
son entrée en vigueur est « le premier janvier 2014 ».
b- La non rétroactivité des actes
administratifs
En vertu du principe général de droit positif,
les règles de celui- ci ne peuvent avoir
d’effet rétroactif. . (Art. 6 de la constitution marocaine de juillet
2011) Il en est de même pour les actes
administratifs comme pour les dérogations à ce principe. Effectivement, le législateur peut se permettre de
stipuler expressément qu’une loi précise ait un effet rétroactif, une chose qui
n’est possible que si la loi en question est favorable aux individus concernés.
Pour les
actes administratifs, la jurisprudence est déterminante. Elle a reconnu la
légalité de trois possibilités justifiant leur effet rétroactif :
-
quand l’acte est pris pour l’exécution d’une loi elle-même rétroactive.
- quand l’acte intervient en conséquence d’un
jugement rendu sur recours pour excès
de pouvoir.
-
quand les dispositions de l’acte sont favorables à l’administré.
c- L’usage de prérogatives de puissance
publique :
Nous avons
eu l’occasion de préciser que l’administration et la jurisprudence avaient formulé le principe
du fait de prince, emprunt aux anciens régimes politiques, pour imposer
sa volonté en tant qu’administration nouvelle mais comme le faisait le Prince
auparavant. C’est-à-dire de manière expéditive, sans consultation aucune.
Et nous avons souligné alors que l’usage de
prérogatives de puissance publique dans l’administration moderne n’était toléré
que s’il était dominé par la notion de l’intérêt général : sa réalisation,
sa sauvegarde ou son développement.
Plusieurs
formules ont été ainsi retenues par la jurisprudence et encadrées de règles
strictes. Car si l’administration peut se libérer des contraintes procédurales
et autres, ce n’est ni par despotisme ni pour l’anarchie :
- Le
privilège du préalable par exemple permet à l’administration de décider et
d’agir en dehors des règles précédemment citées chaque fois qu’il y a urgence.
Son action bénéficie alors d’une présomption de légalité jusqu’à
la preuve du contraire.
C’est-à-dire que l’administration agit à ses
risques et périls puisque son passage à l’acte n’empêche pas les administrés de
saisir le juge administratif, le seul habilité à suspendre cette action ou
l’annuler. Dans ce dernier cas, l’administration est susceptible d’être
condamnée à réparer tout préjudice subi par les tiers.
- L’exécution
d’office ou l’exécution forcée sont les mises en œuvre de décisions déjà
arrêtées, judiciaires ou administratives, mais qui font face à une résistance
quelconque. Il revient alors à l’administration d’appliquer le droit, il y va
de la crédibilité du système. D’autant que les personnes lésées par
l’inexécution ont droit à la réparation pécuniaire.
Le juge
leur reconnaît le droit aux dommages et intérêts. Mais pour que ces procédures
exceptionnelles soient acceptables, il faut que la loi les autorise et qu’il
n’y ait plus d’autres moyens pour obtenir leur exécution.
7 La disparition des actes administratifs
Il est question ici de trois cas de figure : la caducité ou la
désuétude, l’annulation et l’abrogation.
a- La caducité :
du moment que chaque acte administratif a un objet, il est tout naturel qu’il disparaît concomitamment
à la disparition de cet objet. On parle
alors de caducité ou désuétude. L’acte assorti d’un délai s’arrête de produire
ses effets une fois son délai arrivé à terme. Le permis de construire n’a plus
d’objet quand la construction autorisée est achevée, et devient caduque. On ne
peut pas l’utiliser pour une autre construction. C’est le cas des arrêtés de
nomination et de promotion d’un fonctionnaire parti à la retraite. Ainsi de
suite…
b- L’annulation de l’acte: Celle-ci
émane soit d’une autorité administrative hiérarchiquement supérieure, soit
d’une autorité de tutelle habilitée pour le faire, soit du juge administratif
pour abus ou excès de pouvoir. L’annulation est supposée ramener les statuts ou
les situations à leur état initial, de sorte que l’on peut considérer l’acte concerné comme s’il n’a jamais existé.
De ce fait, les personnes lésées de manière irrémédiable sont en droit de
demander une indemnisation. Cependant, l’annulation est susceptible d’avoir
un effet rétroactif puisque les droits acquis ne sont protégés par la loi que
s’ils ont été légalement acquis.
c- L’abrogation : Ici, c’est l’administration
qui abroge, met fin à un acte, quelle que soit sa nature, décision ou arrêté,
réglementaire ou personnelle, du moment qu’elle respecte trois principes
fondamentaux à ce niveau :
1
- L’abrogation est possible tant que
l’administration respecte les droits
régulièrement acquis.
2 - Il
faut aussi que cette abrogation s’édicte dans les mêmes formes et procédures de l’acte initial. Cela s’appelle le parallélisme des formes et
procédures.
3 - Il
faut enfin que l’abrogation vienne de la même autorité qui a émis l’acte initial ou d’une autorité qui lui
soit supérieure.
Pour conclure ce chapitre, il est utile de revenir sur
trois thèmes en particulier mais brièvement. Sachant que le plus important
d’entre eux serait plus accessible dans un cours du contentieux administratif.
+ Nous avons
commencé ce cours en revenant sur les définitions organique et matérielle de
l’administration, et il faut se représenter maintenant la même approche mais
avec le sens que vous avez rencontrez dans le cours d’Introduction au droit
positif. Il y était alors question de définition formelle du droit et
définition matérielle. Dans la première la forme prédomine, dans la seconde :
le contenu, l’idée ou l’esprit de la règle. Ce même schéma, cette même logique
permet de comprendre pourquoi nous avons d’abord écarté les circulaires, les
instructions et les notes de services des actes administratifs.
Puis nous
avons souligné que le juge peut les intégrer s’ils touchent à des situations
juridiques établies. Parce qu’ils seront du point de vue formel en deçà des
actes, et du point de vue matériel, des
actes. Du coup, le juge administratif peut s’en saisir et statuer sur l’excès
de pouvoir s’il y a lieu. Voir Arrêt Mme Duvignères, CE, 2002. La
responsabilité de l'Etat est susceptible d’être engagée aussi à raison des
conséquences dommageables de l’exercice de sa fonction législative. Voir
Arrêt La fleurette. CE 1938.
+ Le deuxième thème se rapporte au retrait des
actes administratifs. Puisque nous avons abordé la fin de l’acte sans
parler du retrait, cas de figure possible et grave car, contrairement
à l’abrogation qui n’a d’effets que pour l’avenir, il a un effet rétroactif. La
jurisprudence du Conseil d’Etat en France a longtemps tergiversé sur ce
thème : voir Arrêts Dame Cachet et Ville de Bagneux. 1922 et 1966. Puis, et sachant que le retrait est toujours
possible avant la notification ou la publication des actes, elle a fixé un
délai intangible de deux mois après l’accomplissement de la dernière étape
procédurale. Voir Arrêt Mme de Laubier, 1993.
+ Le
troisième s’approche du thème qu’on s’apprête à étudier dans le chapitre
suivant, il concerne les actes détachables du contrat administratif.
Jusqu’en 1905, avant l’Arrêt Martin plus précisément, ce contrat était traité
dans sa globalité, une chose qui limitait le pouvoir du juge administratif.
Avec l’Arrêt cité, la jurisprudence du Conseil d’Etat français a conçu cette
appellation : les actes détachables du contrat pour élargir la
sphère de compétence du juge aux travaux préparatoires du contrat comme les
délibérations, à la décision de passer le contrat, la décision d’approuver le
contrat, l’exécution du contrat, la violation de stipulations contractuelles, l’acte
de résiliation du contrat…
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