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lundi 14 janvier 2019

L’acte unilatéral



L’acte unilatéral 


 L’acte ici est dit unilatéral parce qu’il émane de la seule volonté de l’administration. Il ne nécessite pas l’accord du destinataire, la personne ou les personnes concernées.  Il s’impose  à eux tout simplement. C’est son privilège qui est, aussi, celui de l’administration.

 Celle-ci ordonne, dans le sens qu’elle met en ordre son monde et son environnement, s’organise et organise les administrés, et, également, dans le sens de donner des ordres. Sachant que l’un ne va pas sans l’autre. Puisque les administrés doivent faire avec cet ordonnancement et subir ces ordres.  Est-ce la dictature de l’administration ?    Nullement.


 1- La définition de l’acte unilatéral

 Les activités de l’administration étant très variées, le qualificatif acte unilatéral ne les engobe pas toutes. En effet, celle-ci fonctionne ordinairement par des instructions, des notes de service et des circulaires qui, en principe, constituent l’autogestion courante et  n’atteignent pas le statut d’actes unilatéraux.   Pourquoi ?   L’acte désigné ici a ses caractéristiques.

1       Il est dit unilatéral parce qu’il émane de la seule volonté de l’administration et s’impose aux administrés, ce qui n’est pas le cas des circulaires et des notes services.  

2       L’acte  unilatéral  doit apporter  un  changement  à l’ordonnancement juridique existant, toucher aux droits ou devoirs des individus.

3       Il doit  être enfin exécutoire, c’est-à-dire susceptible d’être mis en exécution à un moment précis. Les vœux autant que les projets de décisions des responsables de l’administration ne forment pas des actes administratifs en conséquence.   


      2- La diversité des actes unilatéraux:

Constitués d'arrêtés et de décisions, les actes administratifs peuvent être différenciés de plusieurs façons.


1 : Il y a les actes réglementaires et les actes non réglementaires.

Les premiers sont d’une portée générale, anonymement consacrés, comme la loi, mais, hiérarchiquement, ils lui restent subordonnés. C’est le cas d’une décision ministérielle organisant les transports par exemple et qui s’adresse à tous les usagers de la route.

Les seconds sont plus précis et nomment la personne ou les personnes concernées.  Cette catégorie est dite non réglementaire ou personnelle. Elle est considérée comme telle même quand elle vise un groupe d’individus, du moment qu’elle spécifie en détails les composantes du groupe.


2: Les actes permissifs et les actes impératifs.     
 
    Les premiers permettent quelque chose, une entreprise quelconque sans pour autant pénaliser le manque d’initiative dans ce sens, l’abstention des individus pour une raison ou une autre. A titre d’exemple, une décision administrative permettant la construction d’immeubles de six étages dans un quartier est permissive seulement parce qu’elle ne pénalise pas celui ou ceux  qui n’ont pas les moyens ou ne veulent pas entreprendre un tel projet.

La seconde catégorie est différente. L’acte impératif impose à tous et chacun, dans la situation clairement établie par le texte, de faire quelque chose ou de s’abstenir de faire, sans quoi ils risquent une sanction. Les normes de sécurité prescrites pour construire un immeuble de six étages doivent être respectées par tous les constructeurs, obligatoirement. Sans quoi, ils seront sanctionnés. Construire un immeuble de sept étages dans une zone limitée à six revient au même. C’est une transgression des règlements en vigueur passible de sanctions graves.


3 : Les actes explicites et les actes implicites ou tacites.

L’acte explicite formule de manière claire et nette la volonté de l’administration, quelle qu’elle soit, positive ou négative.  L’acte implicite par contre vient du silence de l’administration. Et tout le problème est comment interpréter ce silence ?

Il n’y a pas longtemps, le manque de réponse de l’administration bloquait les initiatives économiques et créait un climat d’insécurité parce que les citoyens ne savaient jamais à quoi s’attendre. Pire, l’arbitraire puis la corruption s’immisçaient par ce couloir de pénombre.

La politique récente de modernisation de l’administration, liée  à la création des tribunaux administratifs,  a pallié à ce problème en spécifiant sur plusieurs sujets que le silence de l’administration sur les demandes légalement fondées doit être interprété par les administrés comme une réponse favorable.

 
3- Les éléments de fond de l’acte unilatéral

 L’importance de  l’acte unilatéral étant avérée dans la mesure où, par principe, il change l’ordre juridique environnant, et, donc, les situations et les statuts des individus, mais, sachant que le droit existe pour nous assurer de la pérennité  de l’ordre établi,  ces changements ne peuvent avoir lieu que dans un cadre juridique  stricte,    tolérable  parce que  favorable  aux  individus  sinon  à  la collectivité et, par là, à l’intérêt général.

 En effet, le droit administratif encadre le dit acte avant même sa formulation, puis le contenu de cette formulation,  et, enfin, sa forme, sa procédure et ses délais.  En dehors de quoi,   il est entaché 
d’irrégularité  voire  d’illégalité  et  doit  en subir les conséquences.


A-  La compétence :
 
Celle-ci est  l’habilité d’agir. Elle est strictement délimitée par le droit non seulement pour éviter l’anarchie mais surtout afin d’établir avec précision la responsabilité de chacun.

On a eu l’occasion d’étudier l’organisation administrative dans ses divers aspects et, chaque fois, on a insisté justement sur les compétences liées à chaque fonction. Au sein de l’administration centrale, l’hiérarchisation  des fonctions et des pouvoirs reflète l’hiérarchisation des compétences. Il en va de même au sein de l’administration décentralisée, où chacun est confiné dans les fonctions que le législateur lui a attribuées.


1 : Les règles de compétence :

Les règles évoquées dans ce qui suit se rapportent à la délimitation de la compétence dans son contenu, puis d’un point de vue territorial,  et enfin dans le temps.

a- Notons tout de suite que seul un texte juridique fonde l’habilité d’agir, la compétence, qu’elle soit générale ou limitée. On n’improvise pas à ce stade. On est autorisé à accomplir tel acte ou pas. Il faut ajouter ensuite que l’hiérarchie administrative joue pleinement son rôle ici. Le responsable doit respecter les prérogatives de ses subordonnés et vice versa.   Nul n’est susceptible d’agir au nom et à la place d’un autre sans références juridiques établies.
                    
         b- La compétence est délimitée dans l’espace également. Si le chef du gouvernement et les ministres ont une sphère de compétence qui englobe par principe le territoire national, ce n’est pas le cas de leurs représentants au niveau des régions, et encore moins au niveau des communes. Les compétences du wali,  du gouverneur et des chefs des services extérieurs sont cantonnées aux localités territoriales où ils exercent leurs fonctions. Les mêmes règles s’imposent au sein de l’administration décentralisée. Le président d’une commune urbaine ne peut en aucun cas agir au lieu et à la place du président d’un conseil provincial ou régional. L’inverse est aussi vrai.    

    c- Le temps aussi délimite la compétence. Un responsable est habilité à agir dans la période durant laquelle il occupe son poste uniquement. S’il est promu, ses compétences changent en conséquence à la date de sa nomination effective. S’il est transféré, il acquiert les droit et devoirs attachés à son nouveau poste, à la date où le transfert devient effectif là aussi.  Il en a va de même pour les élus locaux. La fin du mandat électoral met fin aux compétences qui sont attachées au mandat. On s’aperçoit alors  que la compétence est liée à la fonction pas à la personne.


       2:   Les dérogations et infractions aux règles de compétence :

       Les premières, ce sont les exceptions établies par le droit afin de laisser une certaine marge de manœuvre aux décideurs au sein de l’administration. Les secondes, ce sont les cas de figure avérés de l’incompétence, les cas de fonctionnaires ou de personnes qui prennent des décisions sans avoir l’autorité d’agir.


a: Les dérogations aux règles de compétence :

On retrouve ici  la logique  inhérente  au droit positif,    celle qui,
    chaque fois qu’elle pose un principe, aussi stricte, rigide que soit-il, laisse une marge de manœuvre à la pratique en formulant les exceptions possibles pour ne point bloquer le système. Il est question des dérogations qui permettent, par commodité ou nécessité,  à une personne d’agir, soit entièrement soit partiellement, à la place d’une autre.

 La formulation juridique de cette pratique d’exception est la délégation. Elle est de deux  sortes. Un troisième cas s’est imposé de lui-même, c’est celui du fonctionnaire de fait :

        - La délégation de signature : Dans ce cas de figure, le responsable prépare l’acte, la décision administrative, et laisse le soin de la signer pour l’exécution et la mise en œuvre à un autre collaborateur. Mais c’est le délégateur, le premier, celui qui a   préparée la décision initialement qui en assume la responsabilité et, donc, les conséquences.

-  La délégation de pouvoir :   Ici, par contre, c’est le pouvoir de décider qui est transmis, avec son lot de responsabilité. Autrement dit, le délégataire devient le décideur effectif, il prépare la décision en amont, la met en œuvre après, et  doit en répondre le cas échéant en aval. 

L’importance de cette dérogation est telle qu’elle doit toujours être écrite, datée et limitée dans son contenu. En effet, il n’est pas permis à une autorité administrative, quelle qu’elle soit, de se dessaisir de toutes ses fonctions.

- Le fonctionnaire de fait : Ici la logique précédemment citée s’inverse. Ni le législateur ni le juge n’ont prévu cette situation. Elle s’est révélée d’elle-même par la force des choses et il a fallu l’intégrer en établissant les conditions de sa validité.

Il s’agit de situation grave,   suffisamment pour anéantir d’une manière ou une autre les autorités administratives dans un espace précis, et au point qu’un simple citoyen, sans prérogatives initiales, s’atèle à parer au plus urgent, suppléer l’autorité absente et agir à la faveur de la communauté en essayant d’organiser la vie tout autour.

Les actes décidés par cette personne peuvent acquérir la légalité due aux actes qui auraient émanés de la personne compétente, car le premier aura été accrédité, entre temps, du statut de fonctionnaire de fait. La jurisprudence a néanmoins précisé les conditions de reconnaissance de ce statut, à savoir :

1 Les circonstances de la prise de décision soient graves, comme l’état de guerre ou de catastrophe naturelle.

2 La disparition des autorités administratives compétentes soit avérée en conséquence.

3 Les actes accomplis  par le  particulier en situation de fonctionnaire de fait restent dans le cadre et les limites des compétences de l’autorité à laquelle il s’est substitué.

   
b: L’incompétence :

Celle-ci est la sanction à toute infraction aux règles de compétence. Elle rend l’acte sujet du litige nul : inexistant ou comme s’il n’a jamais existé.

1 L’usurpation de fonction : « L’acte » est inexistant ici, parce qu’il ne peut avoir de conséquences juridiques. Et pour cause, son auteur n’a aucune qualité pour agir : élu local en fin de mandat, fonctionnaire parti à la retraite ou dont la sphère de compétence a changé, voire un simple individu, une personne non administrative.

2 L’usurpation de pouvoir : ici c’est le principe constitutionnel de séparation de pouvoir qui entre en jeu pour sanctionner tout débordement, quel qu’il en soit l’auteur. L’article 81 de la constitution clarifie les règles de conduite qui s’imposent au sein du seul espace où il y a un mélange du genre acceptable : les décrets-lois. Le gouvernement peut agir dans le domaine du pouvoir législatif et en son absence mais avec l’aval préalable des commissions parlementaires concernées, et la nécessité de la ratification ultérieure du parlement pour que les mesures prises soient valides.

3 L’empiétement de fonction : Ce cas est le plus vraisemblable.  Quand une autorité administrative ou une personne agit au lieu et à la place d’une autre, s’il n’y a pas un texte qui l’autorise et le réglemente comme le pouvoir de substitution accordé aux autorités de tutelle vis-à-vis des entités décentralisées.

Article 77 de la Charte : « Lorsque le président du conseil communal refuse ou s’abstient de prendre les actes qui lui sont légalement impartis, et que ce refus ou cette abstention a pour effet de se soustraire à une disposition législative ou réglementaire, de nuire à l’intérêt général ou de porter atteinte à des droits des particuliers, l’autorité administrative locale compétente peut, après l’en avoir requis, y procéder d’office par arrêté motivé, fixant l’objet précis de cette substitution. »

   En l’absence d’une autorisation semblable, l’acte concerné est illégale et, donc, susceptible d’annulation.


  4 Les règles de forme et de procédure

        L’ensemble de ces règles a comme finalité première la création    de garanties juridiques pour les citoyens contre l’arbitraire toujours. Le non respect de ces règles entache l’acte concerné de vice de forme ou de vice de procédure. Il ne l’empêche pas pour autant de produire ces effets. L’acte en question doit souvent être juste corrigé ou reformulé. 


a- Les règles de forme

    En principe, l’acte est écrit.  Il énumère la base de droit, puis la situation juridique ancienne, les éléments sur lesquels il édicte la nouvelle. Autrement dit, il fait  référence aux textes sur lesquels il se fonde, la situation ou les situations de droit constatées et les étapes juridiques franchies, avant d’arrêter  la situation nouvelle ou  décider ce pourquoi l’acte en question est élaboré.

    Des mesures ont été prises, au Maroc, avec le gouvernement de Mr Jettou afin d’uniformiser les formes des arrêtés et décisions en produisant un grand nombre de formulaires, en arabe et en français, répondant à la majorité des situations possibles, dans le seul but de les clarifier et en faciliter le contrôle. 

    Autre aspect de la forme, l’auteur de l’acte doit le parapher de son nom, sa qualité, et sa signature. Il peut évidemment se soustraire à cette formalité en délégant sa signature à un collaborateur dûment habilité à recevoir cette délégation. Quelque fois, la seule signature de l’auteur de l’acte ne suffit pas. L’acte en question doit être contresigné par le collaborateur chargé de l’exécution de l’acte. L’article 90 de La Constitution marocaine spécifie :

           « Le chef  du  gouvernement  exerce  le pouvoir règlementaire et peut  déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
              Les  actes  règlementaires  du  chef  du gouvernement  sont  contresignés  par les  ministres chargés de leur  exécution. »   

    Vient enfin le Visa, le sceau qui atteste de la validité des références juridiques de l’acte et la corroboration des faits, suffisamment pour entériner la situation nouvelle, engager l’exécution de l’acte en question avec les droits  et les devoirs qui lui sont attachés.  Cette dernière phase peut venir, selon les cas, du ministère des finances, ou ses représentants au sein des autres ministères, les Contrôleur des Engagements de Dépenses  dit le CED, ou des autorités de tutelle comme dans l’exemple suivant:

     « Pour être exécutoires, les arrêtés à caractères réglementaires pris par le président du conseil communal en vertu de l’article 47 paragraphe 2 et l’article 50 ci-dessus, doivent être revêtus du visa du ministre de l’intérieur ou son délégué pour les communes urbaines et du wali ou du gouverneur pour les communes rurales. »    At. 76 de la Charte.

      Notant toutefois que le visa du CED est obligatoire chaque fois que l’acte concerné engage les finances publiques, alors que le visa de la tutelle est supposé acquis si son refus n’est pas clairement exprimé. (at.76)


        b- Les règles de procédure

Si la forme se rapporte au contenant  de l’acte administratif   autant  qu’au contenu, ce qu’y est écris et comment il y est écris, les règles de procédure, elles, concernent le cheminement obligatoire de l’acte en question, les étapes qu’il doit nécessairement franchir  avant d’aller plus loin, vers l’exécution.

Elle se rapporte à la consultation, qui révèle souvent un pouvoir hiérarchique ou un pouvoir de tutelle.  Et, selon l’importance de l’objet de décision, cette consultation peut être facultative, obligatoire ou assortie de l’avis conforme.

Elle est facultative  lorsque  la loi  ou  les règlements  en vigueur
proposent à un décideur potentiel de consulter, chaque fois qu’il a un doute et à titre d’information seulement, des instances plus qualifiées techniquement dans le domaine dans lequel il va décider.

Quelque fois, par contre, la consultation est obligatoire. Le décideur doit informer une personne ou une instance de ce qu’il compte décider. Il informe pour que l’on sache ce qu’il décide et pour qu’on prenne sa décision en considération à l’avenir.
 
La consultation assortie de l’avis conforme enfin impose au consultant de se conformer à l’avis du consulté. C’est-à-dire le décideur se doit obligatoirement de prendre en considération les remarques faites par la personne ou l’instance consultée. Dans ce cas précis, il est important de savoir que l’instance concernée devienne le décideur effectif et, par conséquent,  le responsable potentiel.

Evidemment, pour échapper aux contraintes de la forme et la procédure, synonymes de garanties pour les individus, l’administration tente des fois d’utiliser des mesures de gestion ordinaire pour réaliser des objectifs que seuls des actes administratifs pourraient le faire. Des mesures de redéploiement par exemple du personnel peuvent cacher des sanctions. Il revient alors au juge d’interpréter les faits.    


    5 L’entrée en vigueur des actes administratifs
     
    En principe, les actes de l’administration, tous les actes administratifs doivent être portés à la connaissance du public avant qu’ils ne lui soient imposables. Le droit l’oblige parce qu’il y va de la sérénité de la société et la sécurité juridique des individus. La manière d’informer change cependant selon la qualité de l’acte.

La publication dans le Bulletin Officiel et par tous les moyens jugés nécessaires s’impose pour les actes règlementaires ne serait-ce que parce que c’est le seul moyen d’informer tous et chacun.

La notification en conséquence est réservée aux actes dits non règlementaires ou personnels. Ici, la décision ou l’arrêté doit être notifié à chaque personne concernée. La démarche devient aussi nécessaire que scrupuleuse quand l’acte sujet de la notification est créateur d’obligations.

Parce que les délais du recours gracieux autant que le recours juridictionnel  sont liés à la date de notification. Faute de quoi, c’est le délai de prescription qui se met en place comme pour les dus fiscales. Les droits attachés à un acte donné par contre ne tombent pas.  Ils sont pris en considération à partir de la date de leur création, et le manque de notification ne les altère point.

Les deux démarches font courir aussi le délai de retrait possible des actes par l’administration. Ceci est important d’autant que ce délai coure indéfiniment tant que la publication ou la notification n’ont pas encore eu lieu.





     6 L’exécution des actes administratifs

     L’exécution des actes administratifs, la finalité pour laquelle ont été développées toutes les règles étudiées auparavant, puisque sans lesquelles cette exécution n’est même pas envisageable,  pose à elle seule bien des problèmes.

     En effet, il y a des subtilités liées aux dates et délais qu’il faut prendre en compte, d’autres qui viennent en conséquences de celle-ci pour soulever les problèmes récurrents aux règles de droit positif en général que sont la non rétroactivité de principe et la rétroactivité possible. Il y a enfin les possibilités offertes à l’administration pour se libérer de toutes ces contraintes afin de parer à l’urgence, tout en sachant que le contrôle juridictionnel est susceptible d’intervenir a posteriori.


     a- Les dates et délais d’entrée en vigueur :

     La publication  et  la  notification   révèlent   souvent   les  détails       
    d’entrée  en   vigueur de   l’acte   administratif.      Ce qui  n’est  pas nécessairement la  date de cette formalité ou celle dans laquelle elle a été accomplie.
  
     C’est   à  l’intérieur  de  l’acte,  dans  ces  dispositions  qu’il  faut
chercher cette date. Parce que, dans les catégories d’actes étudiées, il y’a ceux qui sont créateurs d’une situation immédiate, une autorisation ou une interdiction, une sanction…, et ceux qui confirment une situation existante dans les faits mais qui n’étaient pas encore formulés juridiquement.

     L’exemple le plus simple est celui de la personne qui a réussi un concours de recrutement à la fonction publique. Les droits et devoirs courent à partir de la date du concours ou la date des résultats mais l’Arrêté provisoire de nomination viendra plus tard, l’Arrêté définitif beaucoup plus tard. Il en va de même pour la promotion.

     Autre exemple : le décret n° 2-12-349 fixant les conditions et les formes de passation des marchés de l’Etat ainsi que certaines règles relatives à leur gestion et à leur contrôle est daté du 20 mars 2013 mais  stipule expressément dans l’article 173 que son entrée en vigueur est « le   premier janvier 2014 ».


     b- La non rétroactivité des actes administratifs

     En vertu du principe général de droit positif, les règles de celui-  ci ne peuvent avoir d’effet rétroactif. . (Art. 6 de la constitution marocaine de juillet 2011) Il en est de même pour les actes administratifs comme pour les dérogations à ce principe. Effectivement, le législateur peut se permettre de stipuler expressément qu’une loi précise ait un effet rétroactif, une chose qui n’est possible que si la loi en question est favorable aux individus concernés.

     Pour les actes administratifs, la jurisprudence est déterminante. Elle a reconnu la légalité de trois possibilités justifiant leur effet rétroactif :
- quand l’acte est pris pour l’exécution d’une loi elle-même rétroactive.
-  quand l’acte intervient en conséquence d’un jugement rendu sur    recours pour excès de pouvoir.
- quand les dispositions de l’acte sont favorables à l’administré.

    
     c- L’usage de prérogatives de puissance publique :

     Nous avons eu l’occasion de préciser que l’administration et la      jurisprudence avaient formulé le principe du fait de prince, emprunt aux anciens régimes politiques, pour imposer sa volonté en tant qu’administration nouvelle mais comme le faisait le Prince auparavant. C’est-à-dire de manière expéditive, sans consultation aucune.

     Et nous avons souligné alors que l’usage de prérogatives de puissance publique dans l’administration moderne n’était toléré que s’il était dominé par la notion de l’intérêt général : sa réalisation, sa sauvegarde ou son développement. 

     Plusieurs formules ont été ainsi retenues par la jurisprudence et encadrées de règles strictes. Car si l’administration peut se libérer des contraintes procédurales et autres, ce n’est ni par despotisme ni pour l’anarchie :
                             
-   Le privilège du préalable par exemple permet à l’administration de décider et d’agir en dehors des règles précédemment citées chaque fois qu’il y a urgence. Son action bénéficie alors d’une présomption de légalité jusqu’à la preuve du contraire.

      C’est-à-dire que l’administration agit à ses risques et périls puisque son passage à l’acte n’empêche pas les administrés de saisir le juge administratif, le seul habilité à suspendre cette action ou l’annuler. Dans ce dernier cas, l’administration est susceptible d’être condamnée à réparer tout préjudice subi par les tiers.

-  L’exécution d’office  ou l’exécution forcée  sont les mises en œuvre de décisions déjà arrêtées, judiciaires ou administratives, mais qui font face à une résistance quelconque. Il revient alors à l’administration d’appliquer le droit, il y va de la crédibilité du système. D’autant que les personnes lésées par l’inexécution ont droit à la réparation pécuniaire.

     Le juge leur reconnaît le droit aux dommages et intérêts. Mais pour que ces procédures exceptionnelles soient acceptables, il faut que la loi les autorise et qu’il n’y ait plus d’autres moyens pour obtenir leur exécution.


         7 La disparition des actes administratifs

         Il est question ici de trois cas de figure : la caducité ou la désuétude, l’annulation et l’abrogation.

a- La caducité : du moment que chaque acte administratif a un objet,  il est tout naturel qu’il disparaît concomitamment à la disparition de cet objet.  On parle alors de caducité ou désuétude. L’acte assorti d’un délai s’arrête de produire ses effets une fois son délai arrivé à terme. Le permis de construire n’a plus d’objet quand la construction autorisée est achevée, et devient caduque. On ne peut pas l’utiliser pour une autre construction. C’est le cas des arrêtés de nomination et de promotion d’un fonctionnaire parti à la retraite. Ainsi de suite…

   b- L’annulation de l’acte: Celle-ci émane soit d’une autorité administrative hiérarchiquement supérieure, soit d’une autorité de tutelle habilitée pour le faire, soit du juge administratif pour abus ou excès de pouvoir. L’annulation est supposée ramener les statuts ou les situations à leur état initial, de sorte que l’on peut considérer  l’acte concerné comme s’il n’a jamais existé. De ce fait, les personnes lésées de manière irrémédiable sont en droit de demander une indemnisation. Cependant, l’annulation est susceptible d’avoir un effet rétroactif puisque les droits acquis ne sont protégés par la loi que s’ils ont été légalement acquis.  

  c- L’abrogation : Ici,  c’est l’administration qui abroge, met fin à un acte, quelle que soit sa nature, décision ou arrêté, réglementaire ou personnelle, du moment qu’elle respecte trois principes fondamentaux à ce niveau :
   
    1 - L’abrogation est possible tant que l’administration respecte les  droits régulièrement acquis.
   
     2 - Il faut aussi que cette abrogation s’édicte dans les mêmes formes   et procédures de l’acte initial. Cela  s’appelle le parallélisme des formes et procédures.
   
     3 - Il faut enfin que l’abrogation vienne de la même autorité qui a  émis l’acte initial ou d’une autorité qui lui soit supérieure.
  
   Pour conclure ce chapitre, il est utile de revenir sur trois thèmes en particulier mais brièvement. Sachant que le plus important d’entre eux serait plus accessible dans un cours du contentieux administratif.

  +  Nous avons commencé ce cours en revenant sur les définitions organique et matérielle de l’administration, et il faut se représenter maintenant la même approche mais avec le sens que vous avez rencontrez dans le cours d’Introduction au droit positif. Il y était alors question de définition formelle du droit et définition matérielle. Dans la première la forme prédomine, dans la seconde : le contenu, l’idée ou l’esprit de la règle. Ce même schéma, cette même logique permet de comprendre pourquoi nous avons d’abord écarté les circulaires, les instructions et les notes de services des actes administratifs.

     Puis nous avons souligné que le juge peut les intégrer s’ils touchent à des situations juridiques établies. Parce qu’ils seront du point de vue formel en deçà des actes, et du point de vue matériel,  des actes. Du coup, le juge administratif peut s’en saisir et statuer sur l’excès de pouvoir s’il y a lieu. Voir Arrêt Mme Duvignères, CE, 2002.  La responsabilité de l'Etat est susceptible d’être engagée aussi à raison des conséquences dommageables de l’exercice de sa fonction législative. Voir Arrêt La fleurette. CE 1938.

 + Le deuxième thème se rapporte au retrait des actes administratifs. Puisque nous avons abordé la fin de l’acte sans parler du retrait,     cas  de figure possible et grave car, contrairement à l’abrogation qui n’a d’effets que pour l’avenir, il a un effet rétroactif. La jurisprudence du Conseil d’Etat en France a longtemps tergiversé sur ce thème : voir Arrêts Dame Cachet et Ville de Bagneux. 1922 et 1966.  Puis, et sachant que le retrait est toujours possible avant la notification ou la publication des actes, elle a fixé un délai intangible de deux mois après l’accomplissement de la dernière étape procédurale. Voir Arrêt Mme de Laubier, 1993.

 +  Le troisième s’approche du thème qu’on s’apprête à étudier dans le chapitre suivant, il concerne les actes détachables du contrat administratif. Jusqu’en 1905, avant l’Arrêt Martin plus précisément, ce contrat était traité dans sa globalité, une chose qui limitait le pouvoir du juge administratif. Avec l’Arrêt cité, la jurisprudence du Conseil d’Etat français a conçu cette appellation : les actes détachables du contrat pour élargir la sphère de compétence du juge aux travaux préparatoires du contrat comme les délibérations, à la décision de passer le contrat, la décision d’approuver le contrat, l’exécution du contrat, la violation de stipulations contractuelles, l’acte de résiliation du contrat…




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