L’ESCROQUERIE
L'escroquerie est un délit tendant comme le vol à
l'appropriation frauduleuse de la chose d'autrui, mais la méthode
d'appropriation en diffère très nettement. Au lieu de soustraire la chose qu'il
convoite, l'escroc en provoque la remise volontaire par son possesseur à l'aide
de moyens frauduleux destinés à induire en erreur.
C'est ainsi que l'article 540 du code pénal prévoit que «
quiconque en vue de se procurer... ». En effet, l'escroquerie apparaît comme
une infraction complexe nécessitant la mise en mouvement de moyens caractérisés
et très spécifiques. Il en résulte que la preuve du délit reste assez délicate
à rapporter dans bien des cas. Malgré une interprétation extensive par la
jurisprudence des éléments constituent de l'infraction, cette méthode s'impose
pour assurer la répression souhaitable ; mais l'escroquerie constitue par
excellence le domaine de délinquance d'astuce et les tribunaux demeurent
parfois impuissants en face de l'habilité sans cesse renouvelée pour ne pas
parler de génie déployé par certains délinquants. A ce propos nous relevons
deux remarques :
— La
première est d'ordre sociologiques, l'escroc à la différence du voleur est
généralement intelligent car la fraude exige souvent une mise en scène
perfectionnée. Il est presque toujours adulte, souvent récidiviste.
- La
deuxième remarque est d'ordre juridique. Bien que complexe et s'étendant
souvent sur une longue période, l'escroquerie est une infraction instantanée et
non successive.
Section I : Les éléments constitutifs
L'article 540 du code pénal prévoit que la qualification
d'escroquerie se limite à la mise en œuvre de certains moyens déployés dans un
certain but.
Paragraphe
1 : Les moyens de l’escroquerie
A la différence de certains droits étrangers, le droit
marocain n'en donne pas une liste concrète et limitative. Le texte évoque la
question de façon générale laissant aux juges le soin de déterminer le domaine
exact de l'incrimination. Toutefois, l'article 540 prévoit deux hypothèses :
A.
Le fait d’induire en erreur
la victime
Dans ce cas, l'escroc fait en sorte d'amener sa victime à
commettre une erreur qu'elle n'aurait pas commise sans son intervention. Il
faut remarquer que la loi utilise le terme astucieusement, cela suppose une
certaine mise en scène des manœuvres frauduleuses.
En principe, le simple mensonge ou le simple silence non
accompagné de manœuvre ne semble pas pouvoir constituer l'escroquerie. De même,
la jurisprudence semble exiger des manœuvres ou du moins une mise en scène élémentaire.
Aux termes du texte, l'erreur peut être provoquée par deux moyens :
a.
Affirmation fallacieuse
Il s'agit de mensonges destinés à provoquer l'erreur chez la
victime de l'escroquerie mais en principe, le mensonge seul ne suffit pas. li
doit être accompagné par une mise en scène, par des manœuvres frauduleuses.
Autrement dit, le mensonge doit être renforcé par un fait extérieur. Cependant,
le fait extérieur accompagnant le mensonge peut être une mise en scène. C'est
souvent le cas dans le monde des affaires où les mises en scènes sont parfois
perfectionnées au point que la fraude est à peu près indécelable (exemple :
l'installation fictive de bureaux). La mise en scène peut exister aussi dans
des relations de particuliers à particuliers (exemple de la simulation d'un
cambriolage en vue d'une escroquerie à l'assurance)
La production d'un document : ce document doit être appuyé
par de fausses allégations (exemple d'un document visant à prouver la qualité
de propriétaire)
L'intervention d'un tiers : le tiers a généralement pour
mission de confirmer les dires de l'escroc. Remarque : Il faut que
l'intervention du tiers soit provoquée par l'argent. L'intervention spontanée
du tiers ne constitue pas un élément suffisant. Il n'est pas nécessaire que le
tiers ait un rôle actif dans l'opération, conséquence, le tiers peut être de
bonne foi. L'infraction n'en est pas moins constituée même s'il reste passif ou
inconscient de son rôle. Le tiers est souvent de mauvaise foi il pourra alors
être poursuivi comme complice de l'escroquerie.
b.
La dissimulation de faits
vrais
Le comportement du délinquant est alors inverse. Il s'agit
toujours d'induire la victime en erreur mais l'escroc se contente de dissimuler
des faits ou des situations en mêmes exactes. Au lieu de mentir, il se contente
de garder le silence. L'objet de la dissimulation peut en pratique être simple.
Dissimulation de son nom : le délinquant use alors d'un faux
nom. Il utilise le nom d'un tiers. Cet usage peut être écrit ou verbal.
Dissimulation de sa qualité véritable : c'est l'exemple
d'une femme qui obtient d'un commerçant un crédit important basé sur la
solvabilité de son mari en dissimulant sa qualité de femme divorcée.
La qualité dissimulée peut être non seulement celle du
délinquant mais aussi celle d'un tiers. Le fait d'avoir dans le passé possédé
la qualité à léguer n'efface plus l'infraction. Les hypothèses de dissimulation
de la vrai qualité sont nombreuses et diverses (exemple : se dire faussement
commerçant, faussement mandataire, etc.)
Dissimulation concernant les biens : le délinquant veut
remettre des biens à la victime alors que ces biens sont inaliénables ou font
l'objet d'un droit de gage ou de copropriété. De telles dissimulations
s'accompagnent souvent de la production d'un écrit ou de l'intervention d'un
tiers.
B. Le fait
d’exploiter astucieusement une erreur
Dans ce cas, l'escroc garde une attitude passive, il ne
provoque pas l'erreur qui est commise spontanément par la victime, celle-ci se
trompe et le délinquant se contente d'en profiter.
Conséquence : Bien que certains estiment l'incrimination
justifiée par le fait que les agissements visés relèvent un état aussi
dangereux que celui du mensonge. On peut estimer que le juge ne doit condamner
que dans le cas où l'exploitation de l'erreur a exigé de la part de l'escroc de
véritables manœuvres ou du moins une confirmation expresse de la réalité du
fait ou de la vérité de la croyance erronée. Cela semble du reste être la
tendance de la jurisprudence, celle-ci estime en effet que l'escroquerie est constituée
lorsque l'agent ayant pris connaissance de l'erreur, propose à la victime un
contrat afin de l'exploiter.
Paragraphe 2 : Le but de l’escroquerie
Le but de l'escroquerie est donc la remise d'une chose mais
n'importe laquelle il faut en plus que la remise soit illégitime
A.
une remise
C'est l'élément essentiel celui qui distingue l'escroquerie
du vol et la rapproche de l'abus de confiance.
a. les caractères de la remise
L'objet de la remise importe peu, la loi à cet égard ne
prévoit rien. II en résulte que le profit peut être constitué par la remise
d'une chose mobilière, c'est le cas le plus fréquent d'une chose immobilière ;
celle-ci est plus difficile à concevoir car la remise suppose un déplacement
mais la remise d'un titre constatant l'existence d'un droit immobilier est
indiscutablement visée par la loi.
En définitive, la seule condition est que le profit soit
pécuniaire c'est-à-dire susceptible d'une évaluation en somme d'argent.
b. le résultat de la remise
Il s'agit de déterminer la victime à des actes
préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. La remise doit
donc porter préjudice à la victime. L'article 546 prévoit que la tentative
d'escroquerie est punie des mêmes peines que l'infraction consommée.
B.
une remise illégitime
Selon l'article 540, le profit doit être illégitime, ce qui
veut dire que lorsque la remise est justifiée par un droit à obtenir de
l'argent, la qualification de l'escroquerie doit être exclue.
En effet, il ne faut pas que la ruse constitue un moyen
licite de se faire justice soi-même. Il faut être certain du caractère légitime
du profit pécuniaire obtenu d'où la nécessité d'établir une distinction. Ou
bien le titre invoqué par l'agent pour prouver le caractère légitime de la
remise est certain, valable et non contesté (acte authentique librement conclu)
dans ce cas pas d'escroquerie. Ou bien le titre invoqué par l'agent n’est pas
certain (créance délictuelle qui n'a pas encore fait l'objet d'un jugement) pas
valable (vente conclue par un incapable) ou fait l'objet d'une contestation
(créance dont le montant est discuté).
Dans ce fait, l'escroquerie est constituée si le profit se
réalise avant le jugement ou le règlement du litige. Il faut pour cela que la
contestation soit sérieuse c'est-à-dire faute de quoi il n'y aurait pas
d'escroquerie.
Section III : La répression de l’escroquerie
La loi prévoit une peine unique pour l'escroquerie et les
infractions assimilables. L'article 540 prévoit une circonstance aggravante en
cas d'appel au public. L'aggravation des pénalités est attachée non à la
qualité de l'agent mais à la circonstance que l'infraction a été réalisée par
ie moyen de l'appel au public. Ainsi, la circonstance aggravante a un caractère
réel et no personnel. Cependant, il y a appel public dès qu'une société ou
firme industrielle ou commerciale au lieu de s'adresser par des tractation
particulières à des capitalistes de son choix en vue de se procurer un capital
ou des moyens d'action supplémentaires sollicite le public par des procédés de
publicité quelconque annonces, journaux, prospectus, circulaires...
Les titres émis peuvent être des titres de toute nature :
actions, obligations, bons de caisse et même des effets de commerce.
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