la responsabilité civile du
Notaire
Le notaire
est un fonctionnaire public qui reçoit une mission, mais qui jouit de la plus
grande liberté dans le choix de
l’appréciation des moyens de l’accomplir.
La
conséquence en est que sa responsabilité effective et pécuniaire garantit la
sécurité des conventions dans la mesure où cette sécurité peut être compromise
soit par sa faute ou celle de ses employés et, soit quant à la forme des actes,
soit quant au fond du droit, soit par sa gestion. Cette responsabilité fait
courir les plus graves dangers au notaire et éventuellement à ses clients. Nul
notaire, quelles que soit ses capacités, sa prudence et son exactitude, n’est à
l’abri des conséquences pécuniaires d’un oubli, d’une
erreur de la faute d’un clerc, passée inaperçue.
C’est pour couvrir ce risque qu’est née la garantie d’assurance. Le risque
d’insolvabilité du notaire défaillant est couvert par une caisse de garantie
sur le plan national. Cette garantie protège le client des risques
d’insolvabilité du notaire défaillant, conformément aux dispositions de
l’article 39 du Dahir du 4 mai 1925 qui réglemente la profession, les
notaires ou leur intermédiaires sont personnellement et pécuniairement
responsables des dommages causés par leurs fautes professionnelles ou celles de
leurs clercs ou employés.
Il est institué un fonds d’assurance destiné à garantir, en cas
d’insolvabilité d’un notaire ou de son intermédiaire, le paiement des sommes
auxquelles il sera condamné envers les parties lésées.
Ce fonds d’assurance est alimenté par un prélèvement de 5% sur les sommes
versées au trésor, par les notaires au titre de la taxe notariale, devenue
actuellement taxe du trésor et, le cas échéant, par le montant des intérêts
provenant des comptes particuliers ouverts aux notaires, aux recettes du trésor
ou à la caisse de dépôt et de gestion.
Les risques couverts sont :
La responsabilité professionnelle, c'est-à-dire les conséquences
pécuniaires de la responsabilité civile par les notaires, dans l’exercice de
leurs fonctions, à l’occasion de leur fait, de leur faute, de leur négligence
ou du fait, de la faute ou de la négligence de leur personnel.
La garantie s’applique aux réclamations formulées contre les notaires
judiciairement dans l’exercice de leurs fonctions peuvent donner lieu, suivant
le genre de responsabilité, à l’application de sanctions de nature différente.
Tout crime ou délit est, bien entendu, passible de sanctions pénales.
Toute faute ou erreur qui a causé un préjudice, doit donner lieu à
réparation : c’est la sanction civile ou responsabilité civile.
En dehors de l’action pénale et de l’action civile, ou même à l’occasion de
l’une d’elles, le notaire peut être soumis à une sanction disciplinaire
individualisée par son caractère essentiellement professionnel ou fonctionnel.
Ces trois actions sont indépendantes les unes des autres.
A - la responsabilité civile du Notaire
L’article
39 du Dahir relatif a l’organisation du notariat dispose :
« Les
notaires ou leurs intérimaires sont personnellement et pécuniairement responsables
des dommages causes par leurs fautes professionnelles ou celles de leurs clercs
ou employés.
Il est
institue un fonds d’assurance destine à garantir, en cas d’insolvabilité d’un
notaire ou de son intérimaire, le paiement des sommes auxquelles il sera
condamne envers les parties lésées.
Ce fonds
d’assurance est alimente par un prélèvement de 5% sur les sommes versées au Trésor,
par les notaires, au titre de la taxe notariale et, le cas échéant, par le
montant de l’intérêt provenant des comptes particuliers ouverts aux notaires a
la Trésorerie générale ou dans les recettes du Trésor.
….
L’action en
garantie est prescrite si elle n’a été engagée dans les cinq années qui suivent
le jour ou la responsabilité du notaire et son étendue ont été définitivement
reconnues.
…
Le trésor a
un délai de quinze années pour poursuivre le remboursement au fonds d’assurance
des sommes prélevées, dans le cas ou l’auteur reconnu responsable de la lésion,
ou ses représentants, reviendraient à meilleure fortune. »
Il ressort
de cet article que le notaire est responsable vis-à-vis des tiers non seulement
de ses propres fautes professionnelles dues au manquement a certaines de ses
obligations, mais aussi des fautes commises par les membres de son personnel
dans l’exercice de leurs fonctions. Plus encore, il est responsable même s’il y
a abus de fonctions, délits ou quasi-délits commis a son insu, car il répond du
choix de son personnel, de sa surveillance et du contrôle exerce sur lui.
La responsabilité
du notaire est donc appréciée d’une manière particulièrement étendue. Aussi,
allons-nous l’aborder d’une manière également globale en étudiant la nature,
les moyens d’exonération et enfin les conséquences.
a – La nature de responsabilité
civile du notaire
Afin de définir
la nature de la responsabilité civile du notaire, nous retiendrons que la
fonction notariale présente à la fois un aspect contractuel et un aspect
statutaire et légal, d’où l’existence de deux responsabilités :
contractuelle et délictuelle.
Cependant,
a rechercher la spécificité dans cette fonction, on consacre indéniablement la prédominance
de la mission d’authentification marquée par l’ordre public et du devoir de
conseil qui en constitue le complètent, étant tous deux soumis au même régime
de la responsabilité délictuelle.
Le caractère
contractuel de la responsabilité du notaire s’apprécie, mais dans une bien moindre
mesure, a l’occasion des différents mandats, le plus souvent tacites, qui lui
sont confies par les parties (tels l’accomplissement de formalités non
obligatoires).
Aussi,
est-ce l’aspect délictuel qui est, par un souci de prudence, le plus souvent
retenu en la matière par les Tribunaux (du moins français), du fait qu’il est régi
par des normes des plus restrictives.
L’intérêt
de connaitre la nature de la responsabilité civile du notaire est primordial
car cette dernière à une influence directe sur l’efficacité des conventions
tendant à le prémunir en cas de recours exerce à son encontre par ses clients.
b – Les modes d’exonération
Les
conventions relatives a la décharge de responsabilité sont perçues d’un mauvais
œil, tant par la doctrine que par la jurisprudence. Elles constituent, d’une
manière générale, des clauses abusives car ayant pour ayant, ainsi qu’il
ressort d’un arrêt de la Cour de Cassation de Paris en date du 16 juillet 1987,
de « supprimer ou réduire le droit a réparation du non professionnel en
cas de manquement du professionnel a l’une quelconque de ses obligations,
accordant a ce dernier un avantage excessif lui permettant d’abuser de sa
situation dominante ».
En matière
contractuelle, les règles sont plus souples dans la mesure où la liberté est la
règle ; les parties ayant la possibilité de limiter les conséquences de
leur responsabilité. En revanche, en matière délictuelle, les conventions
visant à exonérer une personne de son éventuelle responsabilité ou à limiter le
droit à réparation de la victime sont purement illicite.
Elles le
sont incontestablement en matière notariale ou les préoccupations d’ordre
public prennent des dimensions considérables.
En effet,
un client ne peut en aucun cas renoncer par avance au recours dont il dispose
contre son notaire pour les fautes que celui-ci peut commettre. Le notaire étant
astreint à un devoir de conseil impératif et investi d’une mission de la plus
grande utilité sociale, il ne peut se décharger de ses obligations.
Fort
heureusement, il dispose de la possibilité d’établir qu’il les a bien établies,
et ce, grâce a la reconnaissance de conseils donnes, improprement dénommée
« décharge de responsabilité ».
1 – Fondement
Cette
pratique trouve son fondement et sa licéité dans la « théorie de
l’acceptation des risques » en tant que comportement adopte, en
connaissance de cause, et c’est la tout son intérêt, par la victime éventuelle
d’un dommage.
La
reconnaissance de conseils donnes constitue donc une preuve préconstituée de
l’accomplissement par le notaire de ses obligations, et qui peut être apposée
aux parties ainsi qu’a leurs ayants droits en cas de litige. Elle peut figurer
dans l’acte concerne, ou être établie dans un écrit séparé. Cette dernière
option étant préférable car elle fait, dans ce cas, l’objet d’une signature
distincte par le client, attirant par la même toute son attention.
A titre
d’illustration, nous évoquerons les motifs d’un arrêt de la Cour de Cassation
de Paris en date du 1er décembre 1981 relatif a une vente de fonds
de commerce : « des lors que l’acquéreur n’est pas informe de la
protection instituée au profit des créanciers en cas d’aliénation de fonds de
commerce, le notaire doit avant la signature de l’acte attirer son
attention sur le risque qu’il prend en remettant un cheque au vendeur avant la
publication de la vente. Mais le client qui a été clairement averti du risque
et qui était en mesure d’en apprécier la portée, ne peut ensuite s’en prendre
au notaire ».
2 – Utilité pratique
La
reconnaissance de conseils donnes, s’avère utile voire accessoire dans
certaines cas :
1. Lorsqu’il existe un doute sur l’efficacité ou la portée
d’un acte notarié, notamment si les vérifications effectuées par le notaire ne
lui ont pas permis d’obtenir des certitudes sur un point précis ;
2. Lorsqu’il s’agit d’une opération comportant un risque
pour l’une des parties. En signant une reconnaissance de conseils donnes, cette
partie accepte de courir le risque qui lui est signale par le notaire ;
3. Lorsque le client dispense le notaire de remplir une formalité
nécessaire pour assurer la pleine efficacité de l’acte dresse (inscription hypothécaire…).
A condition, toutefois, que cette formalité ne résulte pas d’une obligation légale
ou qu’elle ne soit pas mise, par la réglementation, à la charge du notaire (enregistrement,
publicité à la conservation foncière ou au registre du commerce) ;
4. Enfin, dans tous les cas ou le notaire intervient a
posteriori, et que certains éléments échappent à sa connaissance. Les
conventions étant négociées hors sa présence, son devoir de conseil s’en trouve
considérablement amoindri.
Dans ce
cas, la reconnaissance de conseils donnes se matérialise par l’insertion d’une
clause indiquant que le notaire s’est borne à donner la forme authentique aux
conventions des parties : « les parties requièrent, par les présentes, le
notaire soussigne de constater par acte authentique les conventions ci-après
directement arrêtées entre eux, sans le concours ni la participation dudit
notaire qui n’est que le rédacteur passif desdites conventions ».
Il en est
de même lorsque les parties n’ont fait que déposer l’acte au rang des minutes
du notaire.
3 - Limites
Pour
atteindre l’objectif qui lui est assigne, la reconnaissance de conseils donnes
doit être utilisée a bon escient afin d’éviter qu’elle ne soit perçue d’une
manière négative par la clientèle. Aussi, ne doit-elle intervenir que lorsque
l’objet du conseil constitue un élément objectif et décisif de l’efficacité de
l’acte, et non un simple élément d’opportunité sans rapport avec l’objet
principal de la convention.
En outre,
la reconnaissance de conseils donnes ne doit en aucun cas être une échappatoire
pour le notaire, et lui permettre d’éluder les vérifications et les recherches
auxquelles il est tenu ou de ne pas accomplir les formalités nécessaires. De même
qu’il est des obligations, d’ordre public, pour lesquelles le notaire ne
saurait se décharger : telles sont les obligations légales et les règles
de forme instaurées par le Dahir du 04 mai 1925, toujours en vigueur.
Enfin, la responsabilité
civile délictuelle n’est d’aucun effet lorsqu’il s’agit d’opérations illégales
ou frauduleuses car, en raison de son statut d’officier public, le notaire ne
peut prendre part même en avertissant les parties des risques encourus, a une opération
enfreignant la loi ou les droits légitimes des tiers.
En définitive,
la responsabilité civile du notaire peut être très lourde du fait de la présomption
de faute qui pèse généralement sur tout professionnel. Cela doit surtout
l’inciter à se faire requérir, chaque fois que cela est nécessaire, et à se ménager
avec soin la preuve écrite de ses diligences. Prudence oblige !!!
c – Les conséquences
Aux termes
de l’article 39, les notaires sont pécuniairement responsables des dommages
causes par leurs faits ou leurs fautes ainsi que des faits et fautes de leur
personnel.
C’est donc
sur leur patrimoine personnel que sont prélevées les sommes nécessaires au dédommagement
des victimes.
Cependant,
le législateur ne désirant pas exposer les parties a l’insolvabilité du notaire
condamne, a institue un fonds d’assurances destine à garantir le paiement des
dommages et intérêts.
Ce fonds
est alimente par un prélèvement de 5% sur les sommes versées au Trésor par les
notaires au titre de la taxe notariale, qui aujourd’hui a été intégrée dans les
honoraires du notaire.
Aussi, à
condition que l’insolvabilité du notaire responsable soit établie, les victimes
disposent d’un recours contre le Fonds de garantie, actuellement Caisse de Dépôt
et de Gestion (CDG), devant le tribunal de première instance de la résidence du
notaire. Cette action en garantie se prescrit par 5 ans.
Toutefois,
l’absence de jurisprudence en la matière, dans notre pays, fait que l’étendue
de l’intervention du fonds de garantie reste encore méconnue. La situation est
toute autre en France où doctrine et jurisprudence abondent autour de
l’obligation instituée par l’article 13 du Décret du 20 mai 1955 pour en préciser
la portée et en poser les limites ; avec le souci de répondre aussi bien
aux intérêts des parties lésées que ceux des notaires.
B - Responsabilité pénale du notaire
La responsabilité
pénale du notaire est retenue en cas d’infraction a certaines interdictions qui
lui sont faites, eu égard au risque que de tels comportements font courir a la clientèle
et a l’atteinte portée a l’ordre public d’une manière générale.
Il est donc
tout à fait compréhensible que la responsabilité pénale du notaire soit plus
lourde que d’autres, étant donne la circonstance aggravante que constitue le
statut même d’officier public.
Outre les
infractions pénales d’ordre général, le notaire peut tomber sous le coup
d’infractions spécifiques a sa fonction, tantôt en tant que rédacteur d’actes juridiques, tantôt en
tant que dépositaire des actes, effets
et sommes à lui confiés par les parties et enfin en tant que délégataire de l’autorité publique tenu
a une honnêteté et une probité absolues.
Ainsi, le
code pénal consacre plusieurs articles aux peines encourues par tout
fonctionnaire public et autres dans l’exercice de leur fonction (articles 241 à
247).
a – Les infractions liées à la rédaction
des actes juridiques
1 – Le faux en écriture
publique ou authentique
L’article
351 du code pénal définit le faux en écriture publique ou authentique comme étant
toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice,
accomplie dans un écrit qu’il a pour objet, ou qui pourrait avoir pour effet d’établir
la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.
Le faux en écriture
publique commis par une personne dépositaire de l’autorité publique est ainsi
puni de la réclusion perpétuelle.
L’usage de
faux public est puni par l’article 356 d’une réclusion de 5 à 10 ans.
2 – Le faux en écriture privée,
de commerce ou de banque
Il est puni
d’une manière moins sévère que le faux en écriture publique. Ainsi, pour le
faux en écriture de commerce ou de banque, l’article 357 du code pénal énonce
une sanction de 1 à 5 ans d’emprisonnement, en plus d’une amende de 250 à
20.000 dhs. L’interdiction peut être éventuellement prononcée a l’encontre du
notaire condamne.
Le faux en écriture
privée est puni de 1 à 5 ans de prison et d’une amende de 250 à 2.000 dhs.
L’usage de faux est puni des mêmes peines.
b – Les infractions liées à la
conservation des actes
L’article
276 du code pénal punit tout dépositaire public pour le détournement volontaire
et la destruction des titres, effets et actes contenus dans les archives ou a
lui confies de la réclusion criminelle de 10 a 20 ans.
Lorsque
cette détérioration ou destruction et due a la négligence du notaire, il est
puni de 3 mois a 1 an d’emprisonnement.
c – Infractions diverses
1 – L’abus de confiance
L’abus de
confiance commis par un notaire est puni par l’article 549 du code pénal, d’un
emprisonnement d’un a cinq ans et d’une amende de 200 a 5.000 dhs.
2 – l’escroquerie
Elle est
punie d’un a cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 a 5.000 dhs.
d – La responsabilité pénale du
personnel du notariat
Les clercs
et collaborateurs du notaire sont punis par le code pénal pour tous les faits précités.
Cependant, n’ayant pas la qualité d’officiers publics, leur responsabilité pénale
est moins grave.
En définitive,
si la responsabilité pénale du notaire peut être aisément démontrée par la réunion
des éléments matériel, légal et moral, il ne peut en être dit autant de sa responsabilité
disciplinaire qui englobe, comme nous allons le voir, a cote des composantes matérielles,
des notions abstraites représentant l’essence même du notariat.
C - La responsabilité disciplinaire du notaire
Le notaire
en tant qu’officier public, et en raison de l’importance des fonctions qu’il
emplit, doit avoir une attitude irréprochable.
Sans préjudice
des sanctions civiles et pénales qu’il encourt par ses fautes, il est soumis à
des règles de discipline dont le contenu, bien qu’assez imprécis, entraine
l’application de sanctions sévères dans des cas extrêmes.
A ce sujet,
l’infraction disciplinaire doit être distinguée de l’infraction pénale ainsi
que de la simple faute professionnelle donnant lieu à responsabilité civile,
s’il en résulte un dommage.
Elle
correspond à un comportement général inadmissible pour un officier public et
susceptible de conduire à la destitution dans les cas les plus graves et
spécialement lorsque la sécurité du public est en cause.
Outre cette
préoccupation, la finalité de la discipline réside principalement dans le souci
de maintenir la réputation de la profession. Cela ressort notamment des termes
de l’article 32 du dahir du 4 mai 1925 qui définit la discipline comme étant le
devoir général qui s’impose aux notaires de ne compromettre en aucun cas par
leur conduite publique ou privée, la dignité de leur fonction et la confiance
qu’ils doivent inspirer.
Ainsi, eu égard
à la dichotomie caractérisant les fonctions du notaire, et grâce à la
responsabilité disciplinaire le législateur sanctionne les agissements prohibés
en raison de la qualité d’officier public au même titre que ceux contraires au
caractère libéral de la profession.
Quels sont
donc ces faits, et de quelle manière sont-ils sanctionnés ?
a – Faits engageant la
responsabilité disciplinaire du notaire
Il s’agit
tout d’abord de tous les manquements aux règles établies par le dahir du 4 mai
1925, notamment les interdictions énumérées par l’article 30 relatives aux
opérations de spéculation, de commerce ou de banque, ainsi qu’à la détention
d’intérêts soit directs soit indirects dans les opérations auxquelles les notaires
prêtent leur ministère à la complicité de fraude fiscale, et enfin aux prêts et
à la détention de fonds au-delà d’un mois, pour le compte des clients.
Outre ces
manquements résultant le plus souvent d’une attitude imprudente, les notaires
doivent s’abstenir de tout fait de nature à mettre en doute leur probité, ainsi
que leur devoir d’impartialité vis-à-vis de ses clients. Le notaire leur doit,
en effet, toute sa conscience professionnelle, son équité et ses égards.
Par
ailleurs, le respect de la déontologie de la profession impose aux notaires une
libre , saine et loyale concurrence dans l’exercice de leurs fonctions. Sont
donc prohibées toutes les manœuvres tendant à détourner la clientèle d’un
confrère ou nuire à sa réputation et à son image en révélant, sans motif
légitime, aux tiers les fautes par lui commises.
Trois
notions essentielles doivent donc prévaloir pour le notaire tant vis-à-vis de
sa clientèle que de ses confrères : l’honnêteté, la discrétion
et l’impartialité.
b – Conséquences
Tout manquement
par le notaire à l’un quelconque des devoirs précités entraine l’application
d’un certain nombre de sanctions qui varient en fonction de la gravité de
l’infraction commise.
1 – Nature des peines
L’article
32 du dahir de 1925 énonce les peines disciplinaires dont pourrait être
passible le notaire récalcitrant. Ces dernières sont divisées en peines de
premier degré, avec l’avertissement et le blâme avec inscription au dossier et
en peines du deuxième degré, aux conséquences plus graves, avec la mise en
disponibilité d’office et la révocation, en tant que solution extrême.
L’existence
même de ces sanctions est justifiée par la nécessité de défendre aussi bien les
intérêts du public que ceux de la profession toute entière.
Le
déplacement, évoqué par l’article 37 bien que ne faisant, aux termes de cet
article, partie des sanctions disciplinaires, est sans perçu comme tel par le
notaire frappé par cette mesure.
2 – Procédure
Pour la
mise en application des peines susvisées, le législateur a institué une
procédure dans laquelle le Parquet tient un rôle déterminant, du fait notamment
du contrôle et de la surveillance exercés par l’autorité de tutelle sur la
profession.
En effet,
aux termes de l’article 33 du dahir du 4 mai 1925, des peines du premier degré
sont prononcées par le Procureur général du tribunal dans le ressort duquel le
notaire a sa résidence. Cependant, lorsque l’application d’une peine du
deuxième degré parait plus appropriée, eu égard à la gravité de l’acte commis,
le notaire se voit renvoyé par le Procureur du Roi devant le tribunal.
Dans ces
deux cas, les droits de défense du notaire sont entièrement préservés. Ainsi,
il peut présenter au Procureur des explications écrites lorsqu’il est passible
des peines du premier degré. Egalement, devant le tribunal, il lui est possible
de présenter sa défense en personne, verbalement pu par écrit, comme il peut se
faire assister par un avocat inscrit au tableau ou admis au stage. Notons que,
huit jours au moins avant toute comparution, il lui est donné communication de
toutes les pièces de l’affaire et de son dossier personnel.
Les
décisions prononcées à l’encontre du notaire, sont susceptibles d’appel par le
Procureur général. Cette même voie de recours est ouverte au notaire lorsqu’il
s’agit de peines du deuxième degré, à condition d’être exercée dans les quinze
jours de la notification de la décision.
En cas de
jugement par défaut, le notaire est en mesure de former opposition dans le
délai de cinq jours à dater de la notification de la décision.
En outre,
et dans l’attente de la décision définitive du tribunal, le notaire pourra
faire l’objet d’une suspension provisoire de ses fonctions, et éventuellement
de son traitement.
Enfin, sous
peine de subir les sanctions prévues à l’article 262 du code pénal, le notaire
mis en disponibilité ou révoqué, doit cesser ses fonctions dès que la décision
le condamnant est passée en force de chose jugée.
Chapitre II
- les peines disciplinaires
Les peines
disciplinaires, susceptibles d’être encourues par les notaires sont énumérées
par ordre de gravité croissante par les dispositions de l’article 32 du dahir
relatif à l’organisation du notariat au Maroc dans sa rédaction actuelle,
savoir :
A – Les peines relevant du premier
et deuxième degré
a - Les peines du premier degré : l’avertissement
Les peines
du premier degré disciplinaire intérieures sont prononcées par le procureur
général sur un rapport du procureur du Roi près le tribunal de 1ère
instance dans le ressort duquel le notaire a sa résidence et au vu des
explications écrites de ce dernier.
Si les
faits relevés à la charge d’un notaire paraissent de nature à entrainer
l’application d’une peine de deuxième degré, le procureur prés le tribunal de 1ère
instance, dans le ressort duquel le notaire a sa résidence, renvoie ce dernier
devant le tribunal compétent.
Les peines
disciplinaires du premier degré, dite d’intérieure qui sont les seules
prononcées par le procurer général du Roi sont :
- l’avertissement :
cette peine, qui est la moins grave, doit être appliquée textuellement, il
n’y a pas d’expressions équivalentes, le procureur général excéderait ses
pouvoirs en prononçant une autre peine, par exemple à rappel à l’ordre,
qui n’est pas prévu par le texte organique, en enjoignant au notaire
d’être à l’avenir plus surconspect.
Cette décision est notifiée au procureur du Roi et au notaire poursuivi.
- le blâme avec
inscription au dossier : est une peine purement morale, dont les
termes ne peuvent être remplacés par d’autres, elle est infligée et
consignée dans le dossier du notaire. La lecture de la décision donnée au
notaire ne doit être accompagnée d’aucune observation.
b – Les peines relevant de l’autorité judiciaire
Les peines
relevant de l’autorité judiciaire sont rendues par les tribunaux de 1ère
instance, réuni en chambre du conseil, en présence du représentant du ministère
public, du greffier, et du notaire poursuivi. Le tribunal a compétence pour
infliger à l’encontre d’un notaire
fautif, l’une des deux peines disciplinaires qui sont la mise en disponibilité
d’office, la révocation. Il convient de différencier ces sanctions
disciplinaires qui prêtent déjà à confusion avec « La suspension
provisoire et d’autre mesures approchantes ».
En effet,
le notaire mis en disponibilité ou révoqué doit cesser ses fonctions dès que la
décision prononçant l’une ou l’autre de ces peines, est passée en force de
chose jugée. Le procureur général du Roi peut, s’il le juge nécessaire dans
l’intérêt de la profession, suspendre provisoirement de ses fonctions un
notaire. S’il estime qu’il y a lieu également à la suspension du traitement, il
est statué spécialement sur cette question par ordonnance du premier président
de la cour d’appel.
La mise en
disponibilité (STRICTO SENSU) relève de la compétence exclusive du tribunal de
première instance. Elle était dénommée suspension à temps, dans l’ordonnance du
28 juin 1945 en France.
Elle
consiste aujourd’hui en une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un
notaire, afin de lui interdire d’exercer ses fonctions durant une période déterminée.
Le texte ne limite pas la durée de la peine, et faute de proposition pour y
remédier, il existe un risque non négligeable d’arbitraire comme pour la
décision de révocation.
Le
ministère de la justice n’a apparemment pas avancé de solution et réserve le
fruit de ses réflexions aux parquets qui prennent son attache à l’occasion des
poursuites disciplinaires.
Les
décisions publiées en la matière, n’apportent pas de réponse assurée, mais tout
au plus, une tendance à ne pas dépasser cinq ans. On peut donc supposer que le
maximum de cinq ans, fixé par l’article 247 du code pénal, interdisant
l’exercice d’une activité publique professionnelle, forme un plafond
transposable aux deux peines, comme le prévoit également les dispositions de
l’article 75 du texte de la fonction publique ; en cas de délit
correctionnel. Les dispositions légales du texte organique n’impose pas de cas
précis pour une décision de révocation. Cette peine n’est explicitement
encourue, qu’en vertu du texte lui-même. Hormis ces incriminations qui restent
marginales, la révocation est encourue par le notaire pour les seuls
manquements graves à l’honneur ou à la probité.
Bien des
incertitudes subsistent encore sur certains dossiers, et un arrêt de la cour de
cassation en date du 28 juin 2000, révèle l’ambiguïté de certaines situations
où les effets de la révocation se conjuguent avec ceux de la suspension
provisoire. En principe, les remboursements de sommes effectuées par la caisse
de garantie d’assurance, au lieu et place du notaire, aux parties civiles,
suppose une extinction des obligations et dettes. La faute, disciplinaire,
toute en étant proche de l’infraction pénale ou du délit civil se confond
rarement avec eux, car la faute disciplinaire ne touche qu’indirectement la
société ou les intérêts privés.
Les actions
coexistent même si elles ont tendance à se rassembler, notamment depuis la
refonte du droit pénal, admettant la responsabilité des personnes morales.
B – Actions et voies de recours
L’action
disciplinaire à l’encontre d’un notaire est autonome et vise à le faire
sanctionner par une juridiction judiciaire pour manquement à des obligations
professionnelles.
Cette
juridiction est appelée à prononcer soit une peine d’ordre moral, susceptible
de prévenir de nouveaux manquements de la part du fautif, soit la cessation
temporaire ou définitive des fonctions pour mettre un terme aux agissements du
notaire.
Le
fondement de l’action et de la sanction disciplinaire est donc différent de
celui de l’action civile et de l’action pénale. Le même fait peut être qualifié
d’information pénale, de délit civil ou de faute disciplinaire.
L’action
disciplinaire est de nature particulière ; elle vise la protection d’une
profession et d’une clientèle. Le notaire fautif, une fois sanctionné, ne devrait
plus pouvoir faire l’objet de nouvelles poursuites devant d’autres
juridictions.
L’action
civile quant à elle, est indépendante ; la tendance actuelle est à la
personnalisation de la faute et à la culpabilisation du professionnel.
En bas de
page : si un contrat est mal fait, c’est souvent aux yeux du public la
faute du notaire, et rarement celles des autres intervenants. Or un acte aussi
banal qu’une vente immobilière nécessite une dizaine de demandes (urbanisme,
état civil, conservation foncière, hypothèque, cadastre, financement, etc.) et
de réponses, elles-mêmes génératrices d’erreurs.
La question
qui se pose est celle de savoir s’il est possible d’établir un point de
jonction entre l’action civile et l’action disciplinaire lorsqu’un notaire a
commis une faute dans l’exercice de ses fonctions. Autrement dit, l’adage « à cause commune, sanction
commune » s’applique t-il ?
Négativement ;
la décision rendue en matière civile par les juridictions de droit commun ne
devant pas avoir d’influence directe sur l’action disciplinaire. En effet, la
recevabilité de celle-ci ne peut être appréciée que par la juridiction
disciplinaire ; inversement, l’action disciplinaire est sans influence
directe sur l’action civile. Une même cause peut donner lieu à une demande de
dommages-intérêts, et à une poursuite devant une juridiction disciplinaire.
Enfin, et
en matière d’action pénale, les mêmes différences concernant la prescription,
les modes de preuve existent entre le droit pénal et le droit disciplinaire. Le
principe demeure, en ce que le droit disciplinaire est autonome par rapport au
droit pénal et que les actions qui sont potentiellement ouvertes dans les deux
matières sont parallèles et non convergentes.
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