LA
MISE EN PLACE D’UN TRIBUNAL NUMÉRIQUE AU MAROC
Les moyens de communication tel qu’internet sont devenus incontournables
dans plusieurs domaines. Ainsi, l’ère de la révolution informatique a impacté
les secteurs social, économique mais également juridique. La justice numérique
va donc de pair avec une justice simplifiée, plus lisible et plus rapide. Elle
est alors perçue comme une condition nécessaire à la modernisation de la
justice, notamment au Maroc. La dématérialisation de certaines données véhicule
l’idée d’un accès à une justice plus rapide, efficace et transparente. Ce
passage à une justice numérique se décline en différents points. Tout d’abord,
elle implique de redéfinir ce qu’est la justice à l’ère du numérique (1). La
définition de la notion de justice numérique permettra ensuite de préciser en
quoi sa mise en place est indispensable dans le contexte actuel (2). Puis, il
s’agira d’établir ses différents objectifs(3). Enfin, il conviendra d’étudier
la législation applicable en la matière en prenant le cas du cyber arbitrage
(4).
1. LA NOTION DE JUSTICE NUMERIQUE :
La notion de justice numérique est complexe. Elle induit un profond
bouleversement dans la conception de la justice à travers la mise en œuvre
rationnelle des technologies au sein de l’institution judiciaire. On parle
ainsi de réforme de la justice par l’innovation technologique. Cette réforme a
pour objectif d’établir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande de
justice notamment à travers des techniques de communication électronique, des
techniques de télécommunication, des techniques audiovisuelles ou encore du
développement des plateformes collaboratives qui mutualisent les données
relatives à un grand nombre de personnes. 1
La mise en place du tribunal numérique semblerait donc être l’un des
piliers majeurs de la réforme du système judiciaire afin de garantir la
transparence et les droits fondamentaux des justiciables. Cette mesure,
contribuerait à améliorer l’efficacité et la qualité de l’appareil judiciaire.
Elle permettrait de développer sa capacité institutionnelle ainsi que
moderniser l’administration à travers certains dispositifs tels que la
vidéoconférence dans les salles d’audience et la dématérialisation du contenu
(à travers l’archivage par voie électronique des dossiers des avocats). Elle
permettrait également de promouvoir un meilleur accès à la justice et au droit,
de rapprocher la justice des professionnels et des justiciables et faciliter le
libre accès des citoyens à l’information juridique et judiciaire. Il en est de
même pour l’échange par voie électronique des documents entre les avocats et
tribunaux. 2
Une plateforme d’échange électronique entre le ministère de la Justice et
l’Ordre des avocats de Casablanca a ainsi été lancée le 23 mai 20183.
Elle constitue une étape avancée dans la transition vers la dématérialisation
de la justice et la mise en place d’un « tribunal numérique » à
l’horizon 2020. Le ministre de la justice du Royaume rapporte également que
cette révolution technologique concernera, dans une première phase, les
tribunaux de Casablanca et de Rabat avant d’être généralisée à d’autres régions
du Maroc.
2. UNE MISE EN PLACE NECESSAIRE MAIS COMPLEXE :
L’appel d’offres relatif à la mise en place d’une infrastructure
informatique virtuelle globale constitue une première démarche concrète visant
la modernisation d’un secteur qui souffre de beaucoup de lourdeurs et de
bureaucratie. On peut illustrer ce constat par le fait que dans les locaux du
tribunal de première instance d’Ain Sbaâ, à Casablanca, les usagers sont soumis
à une procédure complexe afin d’obtenir des copies des décisions judiciaires.
Ils doivent donc recourir aux services de personnes étrangères au corps de la
justice pour photocopier des formulaires, normalement mis à disposition des
citoyens, servant à accomplir des formalités. Cet exemple montre bien une
nécessité de modernisation du système judiciaire.
Dès lors, suite à une rencontre en présence du chef du gouvernement, du
ministre de la justice et des libertés ainsi que d’autres membres du
gouvernement, une Charte de la réforme de la justice a été exposée le 13
septembre 2013 à Rabat. 4 Cette
Charte affiche une volonté claire de résoudre la problématique de l’accès à la
justice au Maroc.
LES OBJECTIFS :
La plateforme numérique garantie une rapidité dans le traitement des
affaires juridiques pour les professionnels du droit tout comme pour les
justiciables. En effet, elle facilite l’échange par voie électronique des
documents entre les avocats et les tribunaux en confirmant leur authenticité
via une signature électronique. De plus, certains citoyens impliqués dans des
affaires juridiques pourront éviter les déplacements aux tribunaux puisque
l’informatisation complète des procédures facilite le libre accès des citoyens
à l’information juridique et judiciaire et participera au développement et à la
mise en place de plusieurs autres services numériques. En effet, chaque avocat pourra
disposer d’un bureau virtuel pour la gestion des dossiers, l’enregistrement des
requêtes en ligne et la présentation des différentes demandes. Les justiciables
seront alors informés en temps réel du suivi de leurs dossiers dans le
détail. 5
Pour atteindre l’objectif de modernisation et la mise en place du tribunal
numérique à l’horizon 2020, le ministre de la Justice annonce le lancement, sur
une plateforme d’échange électronique, de trois applications informatiques
relatives aux procédures de justice. Ces applications comprennent plusieurs
objectifs, le premier vise l’amélioration de la gestion de la détention
provisoire, le deuxième un meilleur suivi de l’exécution des sentences rendues
contre les établissements d’assurance et le troisième met en place une
bibliothèque juridique.
Dans le détail, la première application, traite de la gestion du registre
national de la détention provisoire. Elle permettrait ainsi de relier tous
les tribunaux du Royaume via le réseau informatique, et d’élaborer une carte
relative à la détention provisoire. Cette application a également pour
objectif de suivre les procédures de la détention provisoire du Parquet
Général, au sein de l’instance en charge de l’enquête et dans le tribunal.
Elle s’arrête notamment sur l’état des dossiers soumis aux établissements
pénitentiaires. Outre le fait qu’elle permette d’assurer une classification des
détenus selon les crimes commis, elle devrait faciliter la gestion des
procédures de transfert des prisonniers.
La seconde application assurera le suivi des exécutions des
sentences rendues contre les sociétés d’assurances, il s’agit d’un
outil visant à informer lesdites sociétés de l’exécution des jugements
à travers l’envoi de la liste des dossiers, la définition des
procédures d’exécution au sein du tribunal, la maitrise de la liquidation
des dossiers après leur réception par les compagnies d’assurances et la
présentation de la liste des dossiers exécutés à l’ordre des avocats.
La troisième application concerne la mise en place d’une bibliothèque
juridique qui comporte plusieurs textes juridiques ainsi que des conventions
internationales ratifiées par le royaume du Maroc. Ce système offre une
technique avancée en matière de recherche et permet l’actualisation
systématique des données et la mise à disposition du contenu juridique sur le
site électronique du ministère de la justice et des libertés au profit des
tribunaux et des syndicats des avocats. Cela devrait permettre une réduction
considérable de la production papier des tribunaux du Maroc.6
3. NORMES APPLICABLES EN LA MATIERE :
La mise en place d’une justice numérique entraine nécessairement une
modification et une adaptation de certaines normes qui encadrent les pratiques
juridiques. En effet, l’intégration de ces systèmes d’information dans le
secteur de la justice est très complexe en raison du grand nombre de procédures
et la diversité des tribunaux traditionnels.
Il est également envisagé d’utiliser des mots de passe et des systèmes de
sécurité de l’information afin de protéger données, droits et secrets des
parties.
Ensuite, la justice numérique est caractérisée par ce que l’on appelle les
archives électroniques. Les dossiers judiciaires sont classés dans une banque
de données électroniques qui conserve les archives à long terme. La loi
relative à l’échange des données électroniques 05-537 définit
le cadre général des règles juridiques applicables.
La justice numérique, en tant qu’elle produit des bases de données regroupant
des informations personnelles, est soumise aux règles relatives aux échanges de
données informatiques telles que la loi n° 03-59 qui dispose des infractions
liées au traitement automatisé des systèmes de données ou encore la loi n °
08.09 relative à la protection des données personnelles dans les procédures
dématérialisées8
Ces dispositions offriraient ainsi des garanties aux justiciables marocains
quant à la protection de leurs données personnelles dans les domaines juridique
et/ou judiciaire.
4. LES EFFETS : LE CAS DU CYBER ARBITRAGE :
Le cyber arbitrage signifie que les procédures d’arbitrage ont lieu sur
Internet, sans qu’une rencontre physique ait lieu entre les parties au
différend et les arbitres.
Ce type d’arbitrage est lié aux nécessités pratiques du développement
économique, à l’augmentation du volume et de l’importance du commerce
international, à la conclusion de contrats et à l’achèvement des actes
juridiques utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Les conditions introduites par la loi n ° 05.53 sur les données juridiques
électroniques d’échange comprennent la mise en place d’une signature
électronique ainsi que la validité d’un certificat installé pour correspondre.
De nombreuses organisations économiques régionales et associations
professionnelles ont adopté ces méthodes électroniques pour régler les
différends dans le domaine du commerce international et de la propriété
intellectuelle.
Ainsi, l’arbitrage
électronique semble être un modèle en plein essor dans le domaine de la justice
numérique créé pour tenir compte des conflits naissants dans l’exécution ou
l’inexécution de transactions électroniques, compte tenu des avantages
considérables qui le distinguent du système judiciaire et de l’arbitrage
commercial traditionnel.
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