TITRE I : LE DOMMAGE OU LE PREJUDICE.
La notion du
dommage ou le préjudice s’est étendu de façon considérable avec une
multiplication des variétés et une diversification des préjudices. Les préjudices
réparables ont proliféré.
A l’origine (v. Aubry et Rau, Cours de droit civil français, t.IV, 4ème éd.
Paris , 1871, §445) le dommage
était la perte et le manque de gain
que le délit a occasionné. Il comprenait par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’un délit
de droit criminel, le tort moral que le délit a fait éprouver à la personne
lésée, soit en la troublant dans sa sûreté personnelle ou dans la jouissance de
son patrimoine, soit en la blessant dans des affections légitimes.
La
prolifération des variétés de dommages réparables tient d’une part à
l’attention accrue des situations individuelles et d’autre part à la
multiplication des biens (v. Philippe
Letourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz 2012
n.1500). La prise en compte des besoins mais aussi des désirs des individus
transforme les défaillances par rapport aux attentes à un préjudice appelant un
responsable. La logique de marché mène à ce que « tout vaut tant » (Carbonnier, Droit civil, T.III, Les biens,
18ème éd. PUF, 1998, n°9). La responsabilité devient une marchandise
s’échangeant sur le marché de l’assurance, les dommages et intérêts deviennent
des biens.
La
responsabilité civile ne peut être établie que si la victime établit la preuve
de dommage à centre de la responsabilité contractuelle et délictuelle.
CHAPITRE I : NATURE DU
DOMMAGE.
Une
présentation des préjudices distingue préjudice
patrimonial (matériel,
économique ou pécuniaire) et préjudice
extrapatrimonial (non
patrimonial, extra pécuniaire ou
moral).
Une autre
présentation sépare le dommage matériel,
le dommage moral et le préjudice
corporel. Le préjudice corporel est défini comme la résultante des préjudices
matériels et des préjudices moraux causés par l’atteinte à la vie ou à
l’intégrité physique de la victime.
SECTION 1 : DOMMAGES PATRIMONIAUX.
Le préjudice patrimonial est l’atteinte portée au patrimoine de la
victime. Le préjudice patrimonial résultant d’un dommage matériel est constitué
par la perte éprouvée et le gain manqué. Chacun de ces éléments du
préjudice répond à ses règles d’évaluation.
L’atteinte
aux intérêts matériels peut prendre deux formes. Il peut s’agir de la
destruction ou la détérioration d’un bien damnum emergens {la destruction d’un véhicule par collision},
ou la perte éventuelle d’un profit lecrum cessans {incendie}.
-
La perte éprouvée :
La perte éprouvée est
le damnum
emergens. La perte éprouvée est la perte subie par la victime d’un
délit ou quasi-délit et la perte subie par le créancier du fait de
l’inexécution d’une obligation contractuelle.
-
Le gain manqué :
Le gain manqué est le lucrum
cessans, la certitude d’un gain qui a disparu par suite du fait
dommageable. Il est prévu dans l’article 1149 du Code civil français dans le
cas d’une inexécution contractuelle mais la même idée vaut pour la
responsabilité délictuelle.
Le gain
manqué est un manque à gagner certain, le gain étant du en raison de
l’obligation contractée, alors que la perte de chance est un manque à gagner
probable. Le manque à gagner ne peut être retenu comme chef de préjudice s’il
était hypothétique (Cass. civ. 1, 22 octobre
1996).
En droit
français la réparation d’un dommage matériel est gouvernée par le principe de
la réparation intégrale du préjudice. En vertu de l’article 1149 du Code civil
(règle contractuelle, couramment transposée en matière délictuelle),
l’indemnisation par l’allocution de dommages-intérêts est calculée en tenant
compte à la fois de la perte éprouvée par la victime (damnum emergens) et du gain manqué (lucrum cessans). Par exemple, la réparation de la destruction d’un
produit doit couvrir tant son prix d’achat (damnum
emergens) que le bénéfice qu’un commerçant aurait pu retirer en revendant
le produit s’il n’avait pas été détruit (lucrum
cessans).
SECTION 2 : DOMMAGES EXTRAPATRIMONIAUX.
Il s’agit de préjudices non économiques qui peuvent être synonymes
de « dommage moral » sensu lato, dès lors qu’ils visent
toutes les atteintes à l’intégrité physique et/ou psychiques qui n’ont pas de
répercussion sur le patrimoine d’une victime, en ce sens qu’ils n’affectent pas
sa force de travail.
Le « dommage moral » dans son
acceptation la plus large comprend les souffrances morales {sentiment de diminution et d’inquiétude face
à l’avenir}, les souffrances physiques (appelées
également quantum doloris, ou pretium doloris), le préjudice psychologique,
le préjudice d’agrément, le préjudice esthétique, le préjudice sexuel, le
préjudice d’affection…
Un dommage de nature extrapatrimonial ou moral
est une atteinte au sentiment et
plus largement à la personne de l’individu. L’indemnisation de ce dommage a été
critiquée par une partie de la doctrine française. Il faut mettre en exergue
qu’il est difficile, voire même impossible dans certains cas d’évaluer un tel
préjudice. Par ailleurs, il est également difficile de réparer une atteinte au sentiment
par les dommages et intérêts.
Cependant, il existe trois catégories de dommages moraux :
-
Les atteintes aux attributs moraux
de la personnalité :
Ces préjudices moraux, comme l’atteinte à l’honneur, à la
réputation et au crédit de la personne, toute intrusion dans la vie privée,
toute atteinte à la liberté civile… méritent d’être réparés, que la victime
soit une personne physique ou morale. Toutefois, pendant très longtemps, la
jurisprudence a refusé de réparer le préjudice moral étant donné la difficulté
d’appréciation.
-
Les conséquences morales,
psychiques d’une atteinte à l’intégrité physique :
Certains préjudices moraux sont particuliers à la personne
physique, c’est le cas du pretium doloris (le prix de la douleur). Ce préjudice
prend en compte par exemple : les souffrances physiques endurées par la
victime d’un dommage corporel ; le préjudice sexuel ; le préjudice
esthétique ; et plus largement le préjudice d’agrément {que la jurisprudence définit comme la perte
ou la diminution de la pratique d’une activité par rapport à la pratique faite
avant la survenu de l’accident}.
-
Le préjudice d’affection :
C’est la douleur que suscite chez les proches, parents de la
victime face à la mort, face aux graves souffrances.Il répare le préjudice que subissent certains proches à la suite du décès de la victime directe. Il convient d’inclure, à ce titre, le retentissement pathologique avéré que les décès a pu entraîner chez certains proches.
En pratique, il y a lieu d’indemniser quasi-automatiquement les préjudices d’affection des parents les plus proches de la victime directe (père et mère, … etc.). Cependant, il convient également d’indemniser, à ce titre, des personnes dépourvues de lien de parenté, dès lors qu’elles établissent par tout moyen avoir entretenu un lien affectif réel avec le défunt.
CHAPITRE II : CERTITUDE DU DOMMAGE.
Pour être réparable, le dommage doit être certain.
D’où la nécessité qu’existe une véritable lésion
subie par la victime, laquelle doit pouvoir démontrer qu’elle a éprouvé une
perte ou une dégradation rapport à un état
antérieur. L’exigence d’un dommage
certain signifie surtout qu’il ne peut y avoir de responsabilité que si
l’on a la certitude que le dommage s’est déjà réalisé {préjudice actuel} ou se réalisera {préjudice futur}.
- Le dommage certain s'oppose ainsi au dommage éventuel,
trop hypothétique pour être
réparé. La victime doit
rapporter la preuve de la matérialité et l'effectivité du préjudice.
Selon les juges du fond, la simple exposition à un risque ne constitue pas
un dommage certain, il ne peut donc être indemnisé.
- Au contraire, le dommage futur est réparable.
Le préjudice, bien que futur, peut être réparé par l'allocation de dommages-intérêts à la
victime si ce dernier est le prolongement certain et direct de l'état
actuel.
- La perte de chance est aussi un dommage réparable. C'est la disparition par le fait du
défendeur d'une éventualité favorable qui devait se produire dans un
avenir proche et qui n'a pas pu être tentée (c'est l'exemple de l'avocat qui n'a pas fait appel dans le délai
requis qui a fait perdre à son client la chance de gagner).
Cependant, comme il demeure une incertitude dans la perte de chance qui est difficile à évaluer, les juges du fond n'accordent pas la totalité du gain espéré mais une fraction, qu'il évalue par rapport aux chances perdues. La perte de chance est un dommage particulier, intermédiaire entre le dommage éventuel non réparé et le dommage certain qui lui est entièrement réparé. Ceci est différent en matière de pourparlers contractuels, depuis l’arrêt Manoukian, on ne peut demander l'indemnisation de la perte de chance de conclure le contrat.
SECTION 1 : DOMMAGE AFFECTE D’UN ALÈA.
L’aléa est
l’adjectif qui caractérise une convention dans laquelle les chances de gains ou
de pertes pour l’une comme pour l’autre des parties, sont liées à la survenance
d’un événement, ou dont on ne peut connaître à l’avance s’il interviendra ou
quand il se produira, et quelles en seront les conséquences.
La victime d’un dommage invoque la perte d’une chance passée ou
future, c’est-à-dire qu’il a manqué l’occasion qui aurait pu été
profitable. La perte d’une chance de bénéficier d’un élément favorable
ou d’éviter un événement défavorable constitue un préjudice spécifique appelé
perte de chance. La perte de chance
devrait être définie comme un événement intermédiaire faisant disparaître la
possibilité de l’événement final dont le processus de réalisation était engagé.
La perte d’une chance passée est l’hypothèse
du cas où une chance qui existait à un moment donnée a été définitivement
perdue par le fait du défendeur qui est l’auteur du dommage. L’aléa consiste
dans le fait que l’on ignore si en courant sa chance la victime aurait réussie,
c’est l’appréciation du juge qui détermine si le dommage est certain ou non (Exemple :
un étudiant va à un examen et se fait
renverser, il est donc empêché. On ignore s’il aurait eu l’épreuve. S’il
l’aurait eu, il subit un préjudice. S’il l’avait raté il n’aurait eu aucun
dommage. Donc la jurisprudence raisonne en perte de chance. Il est
définitivement certain qu’il a perdu sa chance de passer l’examen, on voit bien
qu’en admettant la perte d’une chance puisse constituer un préjudice réparable.
On évite ainsi de débouter la victime en raison de l’incertitude dans laquelle
il se trouve. Donc la perte d’une chance est préjudice certain et c’est bien un
préjudice réparable).
La chance
perdue aurait pu améliorer la situation de la victime. Dans ce cas, l’aléa
porte non seulement sur l’existence du succès mais également sur les
conséquences qui l’aurait entrainé s’il avait été remporté (Exemple : un accident de circulation a empêché la victime de se présenter à un
concours dont dépendait sa carrière ; il a été également jugé qu’une faute
médicale avait fait perdu à la victime une chance de guérison ou de survie).
Dans tous les cas, le juge va se livrer à une appréciation portant non
seulement sur la vraisemblance mais également sur l’importance du profit
qu’aurait tirée la victime.
Le dommage
certain peut parfaitement être futur ou actuel, ce qui importe c’est qu’on soit
sûr que ce dommage futur advienne. Si tel est le cas, on engage la
responsabilité (Exemple : en matière de contamination du virus VIH, la
personne peut demander la réparation de son dommage, mais est-ce qu’elle peut
demander la réparation de son préjudice futur. Un arrêt du 20 juillet 1993 a
approuvé la décision d’une cour d’appel d’avoir considéré qu’en cas de
séropositivité, le préjudice résultant de la survenance du SIDA n’a pas un
caractère certain)
La
jurisprudence admet que la perte d’une chance peut fonder une action en
responsabilité civile, à condition que la chance qui a été perdue soit sérieuse
et réelle {élément déclencheur de la
responsabilité civile}.
Il y a une certaine marge
d’aléa qui peut être compatible avec la certitude du dommage.
|
La jurisprudence admet que le
dommage est certain dans son principe mais il est impossible de déterminer
son importance au moment du jugement. Le tribunal peut admettre la
responsabilité et affirmant le droit à réparation de la victime, mais en
renvoyant la fixation de l’indemnité au jour où les éléments nécessaires
seront sûrs.
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Le dommage est purement hypothétique
et éventuel et ne peut donner lieu à aucune action en responsabilité.
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La certitude va exister en une
évolution future d’un dommage actuel ; imprévisibilité. Ce cas se
présente surtout lorsque la situation dommageable est future.
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SECTION
2 : CUMUL DES REPARATIONS
{un dommage
qui a été réparé}.
On va
chercher à savoir si le dommage qui a été déjà indemnisé peut faire l’objet
d’une indemnisation sur la base de responsabilité civile.
L’indemnisation a pour but de faire disparaître le dommage. On ne peut donc se
prévaloir d’une action en responsabilité civile pour réclamer la réparation
d’un dommage déjà indemnisé. En revanche, il y a eu des hésitations
dans certaines hypothèses où le dommage a donné lieu au versement des prestations à un autre titre que celui de la responsabilité civile.
Dans
certaines situations, la loi a tranchée le
problème du cumul entre le bénéfice de la responsabilité civile et celui d’un
autre système d’indemnisation (exemples :
en matière d’assurances, la loi du 30
avril 1930 sur les assurances sociales ; la loi marocaine de 1934)
La loi admet que le bénéfice d’une assurance de personnes peut se
cumuler avec l’indemnité au titre de la responsabilité civile. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une assurance de dommages, la
victime ne pourra être indemnisée.
Cependant, il
convient de distinguer les assurances
de personnes et les assurances
de dommages.
L’assurance de dommages
joue un double rôle et intervient à deux niveaux ; elle peut permettre de
couvrir l’assuré contre les différents sinistres qui peuvent le toucher de
façon personnelle (par exemple :
l’incendie de son logement ou qui seraient susceptibles de toucher les tiers).
L’assurance de chose permet justement de protéger le patrimoine de l’assurée
{il assure ainsi son logement, sa voiture, ses bijoux, etc.).
Il y a
ensuite les assurances qui couvrent l’assuré pour les dommages qu’il pourrait
causer à autrui, ce sont les assurances
de responsabilité (par exemple :
un piéton est blessé par un conducteur, la réparation des dommages pourra
difficilement être assumée par l’auteur du dommage qui a donc la possibilité de
faire jouer son assurance, elle assurera la réparation à sa place). L’assurance de responsabilité a pour
objectif essentiel d’assurer à la victime la réparation de son préjudice. Les
assurances de responsabilité, tout comme les assurances de choses, sont fondées
sur un principe indemnitaire, ce qui signifie pour l’assuré qu’il ne pourra
jamais obtenir une indemnité supérieure à son préjudice. Par contre, son
indemnité pourra être inférieure, ce qui est fréquent, par l’application de
franchises et de plafonds.
La
responsabilité civile est le mécanisme qui oblige toute personne à réparer les
dommages matériels ou corporels causés à autrui. Elle est utilisée dans de
nombreux domaines au quotidien. Elle peut être engagée en raison d’un fait
personnel, lorsqu’un dommage est causé par notre faute, que ce dommage soit
matériel (atteinte aux biens) ou
corporel (atteinte aux personnes).
Par ailleurs, il est possible de voir sa responsabilité engagée en raison des
dommages causés par les personnes dont on doit répondre, ou les choses placées
sous notre garde. Le rôle de l’assureur de responsabilité civile sera de se
substituer au responsable. Il indemnisera ainsi la victime en lieu et place de
son assuré qui a été reconnu responsable.
Existe-t-il
des assurances de responsabilité civile obligatoires ?
En principe,
l’opération d’assurance est libre puisque chaque personne s’assure ou non selon
l’intérêt qu’elle y trouve. Cependant, certaines assurances sont obligatoires,
il s’agit essentiellement de garanties de responsabilité civile permettant
d’indemniser les dommages matériels ou corporels causés à des tiers. Parmi
elles, on compte l’assurance construction (par exemple : on l’a souscrit
lors de la construction d’une maison), l’assurance automobile, l’assurance
multirisques en matières locatives, certaines assurances professionnelles
(avocat, notaire, etc.), les assurances qui visent à couvrir un risque particulier
(par exemple : assurance pour la pratique de la chasse) etc.
Le cumul d’assurance :
De nombreux
contrats qui ne sont pas à l’origine des contrats d’assurance peuvent prévoir
une assurance de responsabilité civile. Il n’est alors pas nécessaire de souscrire
un contrat spécifique d’assurance responsabilité civile car celui-ci ferait
double emploi. Lorsque c’est le cas et que l’assurance de responsabilité civile
est comprise dans un contrat, elle offre généralement une garantie limitée. Il
est nécessaire de se référer au contrat afin de connaître précisément son
étendu et ainsi souscrire utilement un contrat d’assurance qui permettra de
garantir ce qui ne l’a pas été (par exemple : l’assurance automobile
comprend une assurance de responsabilité civile limitée au dommage causé à la
suite d’un accident de la circulation ; il peut en être de même pour les
parents ayant souscrit une assurance scolaire ou extrascolaire qui permettra de
couvrir les dommages causés par l’enfant. Dans ces deux cas, la couverture est
limitée par les contrats, il convient donc lors de la souscription du contrat
d’assurance de responsabilité civile d’exclure ce qui est déjà garanti par
d’autres contrats.
Il est très
fréquent que l’assurance multirisques habitation inclus une garantie responsabilité
civile pour l’ensemble de la famille. Par conséquent, avant de souscrire un
contrat de responsabilité civile, il convient de s’assurer qu’un autre contrat
n’assure pas déjà la couverture de ces mêmes risques. Si malgré tout lors d’un
sinistre on s’aperçoit que l’on est couvert au titre de la responsabilité
civile par deux contrats différents, il est possible de déclarer le sinistre à
l’assureur de son choix mais en aucun cas il ne sera possible de cumuler
l’indemnisation.
CHAPITRE III : CARACTERE PERSONNEL DU DOMMAGE.
Principe : « Seule la personne lésée peut
demander la réparation d’un dommage ».
-
Quid du dommage subi par une
collectivité ?
-
Quid des victimes « par
ricochet » ?
Afin
de limiter les possibilités de recours face à l’extension des catégories de
dommages réparables, on a voulu restreindre l’acception du terme
« victime ».
Seule
la victime ou celui qui est subrogé dans ses droits peut demander réparation.
Cela suppose évidemment que la victime soit distincte de l’auteur. Il faut
également avoir la personnalité juridique, c’est-à-dire né vivant et viable. Il
n’y a pas besoin d’avoir la capacité juridique pour être victime puisqu’un
mineur peut être victime. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas subir un
dommage avant sa naissance, et la victime pourra demander réparation lorsque le
dommage sera visible. Certains dommages ne peuvent être subis que par des
personnes physiques.
Le dommage doit être personnel, c’est-à-dire que seule la victime ou son représentant peut
réclamer réparation, les tiers ne le peuvent pas. Mais le dommage peut être collectif,
c’est ce qui explique pourquoi certaines personnes morales sont admises à agir
en réparation lorsque le préjudice porte atteinte à des intérêts collectifs.
Ainsi, un groupe de personnes ayant subi le même préjudice pourront s’assembler
et demander réparation de manière collégiale.
Le dommage doit être direct. Cette condition fait apparaître la notion de dommage par ricochet,
en ce sens que dans ce cas le préjudice est indirectement subi. Il peut s’agir
de la perte d’un être cher, et donc de la souffrance engendré par le dommage
commis.
SECTION
1 : DOMMAGE SUBI PAR UNE COLLECTIVITE.
Qu’est ce
qu’une collectivité ?
C’est un ensemble, généralement assez dense, d’individus groupés
naturellement ou rassemblés pour une certaine durée par des sentiments, des
intérêts, des droits ou des devoirs communs.
Il convient
en matière de collectivité de distinguer entre le droit à réparation des membres de la collectivité et le droit des personnes qui la représente.
La
jurisprudence a subordonné l’existence de ce droit à celle d’un préjudice
individuel. Plus précisément, l’atteinte à un intérêt collectif ne constitue
pas aux yeux de la jurisprudence un préjudice personnel du groupement.
Cour de cassation :
le demandeur doit pouvoir établir avoir été personnellement lésé dans un
intérêt distinct de celui qui résulte de son appartenance au groupement (par exemple : la malfaçon qui est dû à
la faute du constructeur, et qui affecte les parties communes. Il faut une preuve d’atteinte ou préjudice
personnel ou individuel)
Le droit à
réparation des personnes morales pour les atteintes à un intérêt collectif qui
est distinct de leur intérêt propre (par
exemple : association des parents d’élèves ; production des films qui
auraient une mauvaise influence sur les jeunes).
Cour de cassation :
adopte une position restrictive et donc la personne morale selon la Cour ne
peut demander la réparation d’un dommage causé à un intérêt collectif que si
elle est autorisée légalement à défendre ses intérêts collectifs. Cette
jurisprudence a été fortement critiquée, puisqu’elle est très restrictive.
Il y a des
associations qui défendent les intérêts de leurs seuls membres, constituées à
cet effet en général « comités de
défense ». D’autres qui défendent des causes plus vastes qui dépassent
les intérêts de leurs membres (grandes
causes) « la défense de
certains idéaux ».
La
jurisprudence a eu une position hostile à l’action en réparation de ces
associations. En 1923, on a craint une confusion entre le rôle du parquet qui
défend l’intérêt général, et le rôle des associations (Chambre des requêtes).
Depuis, les
choses on évoluées. Il y a eu une double évolution {législative} ; {jurisprudentielle}.
-
Au niveau législatif :
Le
législateur français a habilité les associations à agir de plus en plus. La
première grande loi est une loi du 9 mars 1920 qui expressément habilite les
syndicats à agir pour la défense des intérêts des travailleurs. Ensuite, les
ordres professionnels, certaines associations, puis elles se sont multipliées.
Associations familiales, associations de lutte contre le racisme, contre le
proxénétisme, l’alcoolisme, associations de défense de l’enfance maltraitée,
associations de défense de l’environnement, associations de défense des
consommateurs. Parfois, il s’agit d’habilitations d’intervenir, d’autres
d’agir, certaines concernent des actions devant les tribunaux répressifs et
civils, d’autres uniquement devant les tribunaux répressifs. Il y a toujours
une condition de recevabilité de l’action pour ces associations. Il faut que le
fait générateur du dommage corresponde à l’objet statutaire de l’association.
Les associations de défense des consommateurs et de l’environnement depuis 92
et 95 respectivement peuvent agir dans le cadre de l’action en représentation
conjointe. C’est-à-dire plusieurs personnes victimes d’un même dommage, peuvent
mandater une association pour agir à leur place en justice. Il faut au moins
deux personnes et un mandat écrit. Il ne faut pas confondre ces actions avec
les actions du groupe. Une personne va représenter un ensemble indéterminé de
victimes et agir dans l’intérêt de ces victimes qui se feront connaître
ensuite.
-
Au niveau jurisprudentiel :
En matière
criminelle ; pas de défense au niveau des associations.
En matière
civile : possible de réparer le préjudice collectif.
Le fondement
de cette solution est l’idée de mandat tacite. On considère qu’en se regroupent
dans une association, les membres de mandat sont censés donner mandat à
l’association d’agir à leur place. Le groupement pourra donc demander
réparation.
La
jurisprudence considère que sans délibération législative, l’action est
déclarée irrecevable. C’est la position de principe.
L’atteinte
aux intérêts collectifs de l’association, et qui sont de vaste portée,
représente un préjudice personnel de l’association. Les associations seraient
recevables en réparation de ce préjudice qui est collectif ; défense des
intérêts collectifs.
-
Arrêt, 14 juin 1971, Lepen : une association dont l’objet était de perpétuer le souvenir des
déportés morts. Cette association admise à agar contre Lepen pour infraction
d’apologie des crimes de guerre ; atteinte aux intérêts collectifs, ceux
des déportés morts pour la France.
-
Décision de la première Chambre
civile, 16 novembre 1982 :
action déclarée recevable concernant une association dont l’objet était la
protection des oiseaux migrateurs.
-
Arrêt de la Chambre criminelle, 7
février 1984, 20 avril 1986 :
action émanant d’association de lutte contre le Tabac.
SECTION
2 : DOMMAGE « PAR RICOCHET ».
Le préjudice/dommage par ricochet est un dommage matériel ou moral
qu’éprouvent, par répercussion du dommage subi par la victime directe, les
personnes qui lui sont proches par la parenté, l’alliance, l’affection, la
profession ou telle autre relation
(enfant, conjoint, concubin, employeur,
associé) (par exemple : un
accident moral qui touche la victime et sa famille, affectivement et
financièrement).
Victime par ricochet : « tiers subissant un
préjudice matériel ou moral du fait des dommages causés à la victime directe,
tel un fils privé de subsides à la suite du décès de son père tué
accidentellement ». Une victime
par ricochet subi une atteinte par contrecoup d’un autre dommage. Le
préjudice par ricochet peut être matériel
ou moral. Néanmoins, on ne répare
par dans n’importe quelle circonstance, il faut démontrer l’existence d’un lien
étroit entre la victime et la victime par ricochet.
La
jurisprudence a largement admis le dommage par ricochet en cas de décès et de
blessure grave. Cependant, elle est plus réticente pour les blessures plus
légères. Pareil lorsque la victime immédiate est toujours en vie {Par exemple : en cas du coma, il est
difficile pour la famille de se prévaloir du dommage par ricochet, ce qui donne
une situation d’injustice}.
Pendant un
certain temps, on avait exigé qu’il y ait entre les deux victimes un lien de
droit. C’est pour cela que pendant longtemps on a refusé l’indemnisation à la
concubine du fait du dommage causé à son concubin. On disait que la concubine
n’avait pas d’intérêt légitime juridiquement protégé. Aujourd’hui, depuis l’arrêt Dangereux, du 27 février 1970,
où un tiers avait causé le décès du concubin, on admet que la concubine puisse
obtenir réparation dès lors qu’elle démontre des liens affectifs et matériels
suffisant avec la victime. La victime doit démontrer qu’elle était entretenue
par la victime directe.
-
L’évolution jurisprudentielle :
1930 : les tribunaux limitent les victimes par ricochet, en
posant le principe que l’action en responsabilité ne devait être exercée par la
victime par ricochet que si celle-ci pouvait se prévaloir d’un droit lésé, ou
d’un intérêt légitime juridiquement protégé. C’est-à-dire, que les tribunaux
exigés un lien de droit entre la victime initiale et la victime par ricochet.
Pour le dommage matériel, la Cour de cassation retient le lien d’obligation
alimentaire. Pour le dommage moral, la Cour de cassation exige un lien de
parenté également, mais aussi d’alliance (ex :
fiancé).1970 {Chambre mixte, arrêt Dangereux du 27 février 1970, revue Dalloz, p, 215, note de Combaldieu ; arrêt de principe} : Dans les faits, il s’agissait d’une concubine {aucun lien de droit} a qui la cassation reconnaît le droit à réparation. Depuis cet arrêt la Cour de cassation ne fait plus référence au lien de droit entre la victime initiale et celle par ricochet.
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