l'État
§1 la justification
de l'État
§2 les conditions
juridiques de l'existence de l'Etat
§3 les formes
d'État
§1: la justification
de líÉtat
Le cadre dans
lequel peut s'épanouir, se développer le droit constitutionnel classique
occidental est l'État. Une institution millénaire puisque les premiers Etats
occidentaux dits modernes apparaissent vers le 11ème siècle, notamment en
France pour se consolider au 16ème siècle.
L'État est
logiquement la première des institutions, celle qui rend possible l'existence
de toutes les autres institutions. On ne voit pas en effet comment pourraient
exister, fonctionner un Gouvernement, un Parlement, bref un pouvoir politique
au sens moderne sans État. C'est le support nécessaire à líaction de ces
institutions. LíEtat ne saurait cependant être considéré comme le phénomène
essentiel ou encore comme la finalité ultime pour les individus. Nous verrons
que selon le droit constitutionnel occidental classique, líEtat est second
après les individus et ne doit être quíun moyen pour eux.
On a imaginé
plusieurs manières de justifier la présence et la permanence de l'État. Dans le
cadre du droit constitutionnel occidental, la justification la plus souvent
présentée à partir du 17 ème siècle est contractuelle. LíEtat serait né d'un
contrat (ou pacte) passé dans le but díéchapper à la violence privée, à
l'arbitraire qui règnent dans les sociétés sans État [idée díétat de
nature]. Un contrat de deux sortes possibles :
- le contrat
horizontal : soit un contrat passé entre les individus qui décident ensemble
d'obéir à un pouvoir unique seul habilité à utiliser la violence (Cf. Hobbes Le
Léviathan 1651)
- le contrat
vertical : soit un contrat passé entre les individus et un corps politique
constituant composé de cadres, organisations antérieurs à l'État ; par exemple
un Roi. (Cf. Locke Traités sur le Gouvernement civil 1690). On trouve trace de
ce dernier type de contrats dans l'histoire : en Angleterre, l'accord politique
passé entre le Roi Jean sans Terre et les Barons anglais en 1215 (la Grande Charte ), en
France, l'acceptation par Louis XVI de la Constitution de 1791.
Difficulté : un
contrat peut-il à lui seul justifier líEtat ? Évidemment, non. Qui habilite en
effet les signataires du contrat à passer ce contrat ? Aucune règle, ni
personne. La loi dans le cas díun contrat privé (comme le mariage) habilite les
particuliers à la passer. Mais ici, pas de loi, pas de norme juridique. Voilà
pourquoi tout État au Moyen Âge avait une justification religieuse.
§2 : les
conditions juridiques de líexistence de líEtat
L'État ainsi
justifié, fondé ne peut exister sans que soient réunies certaines conditions.
Ces conditions peuvent être considérées comme les éléments constitutifs d'un
État.
A Premier
élément constitutif : l'État est une personne morale juridique
a) personne
juridique
C'est un attribut
qu'il partage avec les individus, organismes privés et qui fait de lui un sujet
de droit. Considéré comme une personne juridique, l'État est alors habilité à
exercer une activité juridique, à jouir de certains droits ou à se soumettre à
certaines obligations. Par exemple, il peut ester en justice (faire une
action en justice), voir sa responsabilité engagée devant un tribunal.
Bien sûr,
líEtat-personne est une fiction construite par le droit (Cf. Duguit : « je n'ai
jamais déjeuné avec une personne morale »). Une fiction qui se justifie par de
nombreux avantages : l'État se voit doté d'un patrimoine, peut s'engager
(notamment financièrement) sur le long terme, se survit à lui-même alors
que les individus qui l'ont représenté, ont agi en son nom ne sont plus de ce
monde.
b) personne
juridique morale
Il existe deux
sortes de personnes juridiques :
- les personnes
individuelles
- les personnes
collectives qui peuvent être des organismes privés, publics ; on appelle ce
dernier type de personnes, des personnes morales.
Définition : ce
sont des êtres collectifs, structurés, dotés d'un projet commun, considérés
comme des sujets de droit.
Corollaire : tous
les individus qui le composent, l'animent vont agir en son nom et le résultat
de leur activité sera considéré comme le celui de la collectivité tout
entière.
Exemples : les
entreprises économiques, associations et l'État.
Illustration :
l'État est bien un être collectif (composé de millions d'agents publics,
fonctionnaires), structuré (organisé au plan hiérarchique avec à sa tête un
Chef d'État, au plan géographique en fonction de circonscription
administratives : département, région...), doté d'un projet. Et tous les
individus qui le composent ont la capacité d'agir en son nom, d'acquérir, de
contracter en son nom.
B Deuxième
élément constitutif : le pouvoir díÉtat
L'État a pour
particularité par rapport à toutes les autres personnes juridiques
individuelles ou morales de détenir un pouvoir juridique utilisé dans un but
díintérêt général. Ce pouvoir s'exerce sur une population, elle-même située sur
un territoire, à l'aide d'organes ou institutions spécifiques.
a) notion de
pouvoir díÉtat
Examinons les
caractéristiques de ce pouvoir :
- Le pouvoir díÉtat
est exercé selon des formes juridiques. En díautres mots, cíest un pouvoir de
droit par opposition à un pouvoir de fait. Ses actes obéissent donc à un
certain formalisme et sont pris selon une procédure régulière. Ils sont
justifiés par une règle de droit (loi, règlement ...). Cela par opposition aux
actes pris par des pouvoirs ou autorités de fait qui ne peuvent síappuyer
sur une règle de droit (ou se sont appuyés sur des règles de droit déclarées
ultérieurement comme non valables).
- Un tel pouvoir
est motivé par la poursuite de líintérêt général ce qui le distingue du pouvoir
juridique qui est exercé par des personnes juridiques non étatiques. Ces
dernières seront animées par díautres buts, par exemple une entreprise
recherche le plus grand profit. La particularité du but poursuivi par líEtat
justifie que dans certains pays comme la France , le pouvoir díÉtat soit régi par un droit
spécifique quíon appelle droit public. Le droit public est donc l'ensemble des
règles se rapportant au fonctionnement des institutions étatiques et par
extension aux relations entre ces institutions et les particuliers. Par
opposition, le droit privé concerne les relations entre les particuliers ou
encore le fonctionnement des organisations créées par des particuliers (par
exemple une association Loi 1901).
Il arrive cependant
en France que l'État préfère gérer certaines activités en raison de leur objet
comme un simple particulier en recherchant le profit ; il s'agit notamment
d'activités industrielles et commerciales (comme dans le cas de services
publics industriels et commerciaux tels que la SNCF , EDF et GDF ou autrefois díentreprises
nationalisées comme Renault). Dès lors, dans ces cas minoritaires, sera
appliqué le droit privé ou droit commun.
Notons que dans les
pays anglo-saxons, contrairement à la conception française, líEtat est soumis à
un droit commun, donc au droit privé; très exactement à un droit public non
complètement autonome par rapport au droit privé. Ce "droit public"
est simplement considéré comme dérogatoire (= faisant exception sur certains
points) par rapport au droit commun. Ceci síexplique par líinfluence de líidéologie
libérale qui considère quíon doit traiter de la même façon, à égalité l'État et
les individus.
En France, la
dualité de droit a une conséquence essentielle : líexistence díune dualité de
juridiction. Pour ce qui concerne l'État et ses relations avec les
particuliers, il existe un juge spécialisé, un juge de droit public ; pour ce
qui concerne les particuliers (et les personnes morales créées par eux),
cíest le juge ordinaire qui síen occupera.
- Enfin le pouvoir
díÉtat a pour caractéristique díêtre sanctionné par la force. LíEtat a le
monopole de la violence légitime (car justifiée par le droit).
b) modalités
d'exercice du pouvoir díÉtat
Ce pouvoir s'exerce
sur une population, sur un territoire à líaide díinstitutions ou díorganes
spécifiques :
- une
population. Il n'y a pas d'État sans une population. Cette population ne
s'identifie pas forcément à une Nation même si en Occident, c'était à l'origine
presque toujours le cas.
Nota : notion de
Nation
Une Nation est
une population qui est unie :
- par des liens
objectifs (comme l'origine géographique, líunité de langue, de religion,
díethnie...) selon la conception objective d'origine allemande (Cf. Fichte)
- ou des liens
spirituels (comme la volonté de vouloir vivre ensemble...) selon la conception
subjective d'origine française.
Il existe des
Nations sans État (la Nation
kurde, palestinienne), des États sans Nation comme certains États du tiers
monde crées artificiellement à partir des anciennes frontières coloniales (d'où
la situation inverse par rapport à l'Occident : antériorité de l'État), des
États binationaux (comme le Canada) ou multinationaux (comme l'ancienne URSS)
- un territoire.
Il n'y a pas d'État sans territoire [= un espace terrestre, maritime, aérien
délimité par des frontières (qui sont des lignes matérialisées sur une carte
dont le franchissement emporte des conséquences juridiques)]. La notion de
frontière nía été formalisée que tardivement, au 16ème siècle. Cíest une notion
inconnue à l'époque de l'empire Romain et des Empires africains du Massina, du
Ghana...
- des
institutions. Il n'y a pas d'État sans un appareil díÉtat, cíest-à-dire sans
des institutions ou organes spécifiques exerçant un pouvoir juridique effectif.
Un tel pouvoir est consenti et contrôlé par les gouvernés dans le cadre du
droit constitutionnel occidental (principe de la représentation démocratique).
Ce n'est pas nécessairement le cas dans le cadre des autres droits
constitutionnels.
Ces institutions ou
organes (qui concrètement se présentent comme des bureaux, conseils,
assemblées) sont appelés :
- au niveau le plus
haut : Institutions politiques. Exemples : le Président de la République , l'Assemblée
Nationale, le Sénat, etc. Cíest le Gouvernement (au sens large).
- au niveau
inférieur : Institutions administratives. Exemples : le Préfet, le Maire,
etc... Cíest l'Administration au sens large.
Ces institutions
(qu'on peut appeler aussi pouvoirs publics) connaissent en France des règles de
fonctionnement spécifiques qui sont précisées par le droit public. Les
institutions politiques sont régies par une branche du droit public quíon
appelle droit constitutionnel. Le terme de droit constitutionnel se rapporte
évidemment à líidée de Constitution quíon entendait dans un sens biologique à
líorigine. On parlait de la constitution de líEtat comme de la constitution
díun animal. Les institutions administratives sont régies par une autre
branche du droit public quíon appelle droit administratif.
La dualité
díinstitutions au sein de líEtat conduit à une autre dualité de juridiction.
Il faut distinguer
:
- pour les
institutions politiques, il s'agit du juge constitutionnel (soit un seul
tribunal mais qui est au sommet de la hiérarchie des tribunaux de droit public
et de droit privé; le Conseil constitutionnel)
- pour les
institutions administratives, il s'agit du juge administratif (soit une
pyramide de tribunaux avec au sommet le Conseil d'État) : il existe aux
États-Unis, en Angleterre une unité de juridiction au profit du juge ordinaire;
cíest-à-dire quíil níexiste dans ces pays quíune sorte de juge compétent, le
juge de droit privé même pour ce qui concerne l'État.
Après avoir
examiné les conditions d'existence de líÉtat, nous pouvons étudier les formes
d'État possibles.
§3 les formes
d'État
Il ne faut pas
confondre formes d'État et formes de gouvernements (ou encore de régimes
politiques). Elles varient indépendamment les unes des autres. On distingue 3
grandes formes d'État :
A l'État
unitaire
C'est un État dans
lequel líexercice du pouvoir juridique díÉtat est monopolisé par un seul centre
politique ou Gouvernement central. Corollaire : tous les individus sont soumis
au même Gouvernement et aux mêmes normes juridiques (Constitution, lois
et règlements avec des dérogations possibles dans ces deux derniers cas).
Cette forme
d'organisation qui caractérise l'État français actuel et la majorité des États
dans le monde est la plus ancienne. Historiquement, les premiers États
occidentaux apparus au 11ème, consolidés au 17ème siècle siècle étaient
unitaires.
On distingue deux
types d'États unitaires :
a) les États
centralisés :
État dans lequel le pouvoir juridique díÉtat est exercé par des agents nommés
et soumis à líautorité hiérarchique du Gouvernement central. Ils níont donc
aucun pouvoir juridique propre.
Un État centralisé
est généralement déconcentré au sens où certains de ses agents bénéficiant
de délégation pourront être délocalisés. Exemple : le Préfet en France.
(Nota: la
concentration est un mode théorique d'organisation administrative)
b) les États
décentralisés
: État dans lequel le pouvoir juridique díÉtat est confié aux individus
eux-mêmes qui, à travers certaines institutions administratives autonomes vont
síadministrer avec un contrôle souple du Gouvernement central.
Cette auto-administration
se fait généralement à travers des autorités élues : en France, le Conseil
municipal général, régional...
L'autonomie des
institutions décentralisées se manifeste par le fait qu'elles ont la
personnalité juridique (ce qui leur permet d'avoir leurs propres agents publics
et ressources). Ces institutions ou personnes décentralisées disposent d'une
compétence spécialisée sous le contrôle de l'État. Ce contrôle qu'exerce l'État
peut être plus ou moins sévère : en France on distingue la tutelle (contrôle
administratif exercé par le Préfet sur les personnes et les actes) du contrôle
juridictionnel moins sévère (contrôle sur les actes exercé par les préfets qui
déférent ces actes devant les juridictions lorsqu'ils estiment qu'ils sont
illégaux).
On connaît deux
types de décentralisation :
- la
décentralisation fonctionnelle : elle consiste à reconnaître un pouvoir de
décision à des services publics autonomes disposant de la personnalité morale.
Elle est souvent réalisée à travers des Établissements publics qui ont une
sphère d'activité déterminée ou spécialisée (Cf. le principe de spécialité en
droit administratif). Ex : les Universités ont en vertu de l'article 20 de la
loi n°84-52 du 26 janvier 1984 comme spécialité la recherche, la formation et
la documentation.
- la
décentralisation territoriale : elle consiste à reconnaître un pouvoir de
décision à des collectivités territoriales. Ces dernières ont une activité
spécialisée en fonction d'une limite géographique. En France, 3 types de
collectivité territoriales sont directement prévues par la Constitution (art.
72) : les communes, les départements et les T.O.M. Mais la Constitution donne la
possibilité au législateur d'instituer d'autres collectivités territoriales ;
ce qu'il a fait en 1982 en transformant la région en collectivité territoriale.
1) la loi du 2
mars 1982 (sur les droits et libertés des communes, départements et régions)
qui a notamment transmis la majorité des pouvoirs qui étaient aux mains des
organes déconcentrés (Cf. les préfets) au profit des organes décentralisés qui
sont tous élus maintenant. Cette loi a aussi supprimé en grande partie la
tutelle au profit d'un contrôle de légalité effectué par le juge administratif
à la demande du Préfet (= déféré).
[Nota: le Conseil
constitutionnel a admis la constitutionnalité du déféré préfectoral même si
dans ses modalités ce déféré tel qu'il résultait de la loi du 2 mars 1982 avait
été jugé non conforme à la
Constitution. Les modalités du contrôle des actes des
collectivités territoriales ont été revus par la loi du 22 juillet 1982.]
2) les lois de
décentralisation récentes concernant les DOM et TOM et maintenant la Corse.
- Concernant la
Nouvelle Calédonie , les accords de Nouméa qui ont
donné lieu ensuite à une révision de la Constitution intervenue en 1998 (Nouveau Titre
XIII, articles 76 et 77. Loi n° 98-610 du 20 juillet 1998) ont prévu notamment
:
- líinstauration
díune citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci traduit la
communauté de destin choisie et s'organiserait, après la fin de la période
d'application de l'accord, en nationalité, s'il en était décidé ainsi.
- certaines
délibérations du Congrès auront le caractère de loi du pays et de ce fait ne
pourront être contestées que devant le Conseil constitutionnel avant leur
publication, sur saisine du représentant de l'Etat, de l'Exécutif de la Nouvelle Calédonie ,
d'un président de province, du président du Congrès ou d'un tiers des membres
du Congrès.
- le Sénat
coutumier sera obligatoirement saisi des projets de lois du pays et de
délibération lorsqu'ils concerneront l'identité kanak au sens du présent
document. Lorsque le texte qui lui sera soumis aura le caractère de loi du pays
et concernera l'identité kanak, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie
devra à nouveau délibérer si le vote du Sénat coutumier n'est pas conforme. Le
vote du Congrès s'imposera alors.
- Les compétences
détenues par l'Etat seront transférées à la Nouvelle-Calédonie
dans les conditions suivantes :
* certaines seront
transférées dès la mise en úuvre de la nouvelle organisation politique ;
* d'autres le
seront dans des étapes intermédiaires ;
* d'autres seront
partagées entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie ;
* les dernières, de
caractère régalien, ne pourront être transférées qu'à l'issue de la
consultation mentionnée au 5.
[La consultation
portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes,
l'accès à un statut international de pleine responsabilité et l'organisation de
la citoyenneté en nationalité. Si la réponse des électeurs à ces propositions
est négative, le tiers des membres du Congrès pourra provoquer l'organisation
d'une nouvelle consultation qui interviendra dans la deuXIe année suivant la
première consultation. Si la réponse est à nouveau négative, une nouvelle
consultation pourra être organisée selon la même procédure et dans les mêmes
délais. Si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se
réuniront pour examiner la situation ainsi créée].
- Concernant la Corse ,
les accords de Matignon prévoient de doter la Corse díun pouvoir réglementaire (permettant à
líAssemblée de Corse díadapter les textes réglementaires), díun pouvoir législatif
(permettant à cette Assemblée de déroger par ses délibérations à certaines
dispositions législatives dans des conditions définies par le Parlement
national).
Cette dernière
étape conduit à une sorte de "régionalisation" qui rapproche alors la France , État unitaire díun
État fédéral. Ce type de régionalisation existe déjà en Italie et en Espagne.
Ainsi la Constitution
italienne de 1947 a
divisé l'Italie en 20 régions dotées d'un pouvoir législatif dans des matières
nombreuses (énumérées à l'article 117) : police locale, assistance publique,
médicale, urbanisme... mais dans « les limites des principes fondamentaux
établis par les lois de líEtat ». Limites qui níont pas été prévues pour la Corse. Concernant
les lois de la République
italienne, les régions italiennes peuvent faire des propositions aux chambres
pour les modifier ; la réunion de 5 conseils régionaux pouvant déclencher un
référendum d'abrogation d'une loi nationale. L'abrogation reste cependant
exclue en matière financière et fiscale, en matière pénale et à propos des lois
de ratification des traités (art. 75). Enfin, aux termes de líarticle 123, les
régions déterminent elles-mêmes leur statut établissant leur organisation
intérieure. Cependant une loi de la République doit approuver ces statuts.
Il est difficile
de caractériser la forme díÉtat adoptée par la France. Cíest un
État à la fois centralisé et déconcentré pour certaines compétences
administratives (exemple : les affaires sociales, la Poste.. .) et décentralisé
de manière classique pour le reste (exemple : l'urbanisme, la voirie...) sauf
pour ses territoires « exotiques » où líon peut parler presque de fédéralisme.
B líEtat
fédéral
Cíest un État dans
lequel le gouvernement central confie líexercice de certaines compétences à des
entités (Républiques, Provinces...) qui vont se diriger elles-mêmes. Corollaire
: les individus seront soumis à des normes fédérales communes (Constitution
fédérale, lois fédérales...) et à des normes locales propres aux entités
fédérées (Constitution, lois des entités fédérées). Le gouvernement central
conserve en général des compétences dites « régaliennes » [droit de faire la
guerre, droit d'avoir des représentations diplomatiques à l'étranger, droit de
battre monnaie].
a)
origine
Le phénomène
fédératif est récent. Si l'on excepte les États-Unis 1787, les principales
fédérations sont nées au 20ème siècle. Elles sont apparues notamment pour
prendre en compte des particularismes linguistiques, culturels... Ce que
n'arrivait pas à faire la décentralisation. Dans le tiers monde, il a été ainsi
plus facile de résoudre les difficultés nées de la décolonisation (Asie :
Chine, Malaisie, Indonésie, Afrique : Nigeria capitale Abuja).
Les fédérations
peuvent naître à la suite díun processus :
- soit de
regroupement díÉtats unitaires qui fusionnent pour créer au dessus díeux une
nouvelle collectivité étatique, un super État qui seul sera reconnu comme État
en droit international. Les États regroupés perdent leur qualités d'État :
d'ailleurs, le terme d'État n'est généralement pas utilisé pour les qualifier
(provinces au Canada, Républiques dans l'Ex-URSS, Länder en Allemagne, Cantons
en Suisse...) ; ce sont de simples entités fédérées.
Exemple : les
États-Unis en 1787
- soit de
division díun État unitaire qui accepte que des entités seulement
décentralisées jusque là deviennent fédérées et disposent alors díun pouvoir
constituant, législatif, réglementaire propre.
Exemple : líURSS en
1924, la
Tchécoslovaquie en 1969
Nota : on peut
síinterroger sur le cas de la
Belgique , ancien État unitaire dont la nouvelle Constitution
du 5 mai 1993 s'intitule Constitution fédérale. L'État belge devenu pouvoir
central a procédé à une redistribution en profondeur de certains de ses
pouvoirs au profit de 3 régions et 3 communautés. Dans des domaines comme
l'enseignement, la culture, la politique sociale, la loi nationale cesse d'être
valable. Seules les communautés flamande, française et germanophone sont
amenées à intervenir par voie de décret. Dans d'autres domaines comme l'aménagement
du territoire, la loi cesse d'être valable et les régions wallonne, flamande,
bruxelloise sont compétentes. Compte tenu de la complexité et multiplicité des
institutions mises en place, on aboutit à un extrême morcellement des
compétences et des conflits constants de compétences.
Síagit-il vraiment
díune fédération ? Les régions et communautés níont pas vraiment obtenu la
capacité de se diriger : pas de pouvoir constituant, pas de système
juridictionnel propre.
b)
fonctionnement
Toutes les
fédérations appliquent avec plus ou moins de rigueur les principes suivants :
* principe de superposition : il existe dans toute
fédération deux niveaux de compétences qui sont superposés. Le pouvoir fédéral
produit ainsi ses propres normes dont líapplication est contrôlée par son
propre système juridictionnel coiffé díune Cour suprême. Il en est de même pour
les entités fédérées qui produisent leurs propres normes et ont leur propre
système juridictionnel. Il reste que le pouvoir fédéral est supérieur à celui
des entités fédérées. Cela implique notamment que ses décisions s'appliquent
directement dans l'ordre juridique interne des entités fédérées. Il y a donc
primauté du droit fédéral sur le droit interne. (Voir la clause de supériorité
aux États-Unis - art VI de la
Constitution de 1787 - précisant les modalités
d'application). Ces décisions sont donc opposables à toute personne juridique
sur le territoire entier du territoire fédéral.
On comprend alors
pourquoi il est très difficile pour les différentes unités fédérées de
sortir de la fédération pour (re)devenir des États. Cela équivaut à ce quíelles
récupèrent des compétences « régaliennes » [droit de faire la guerre, droit
d'avoir des représentations diplomatiques à l'étranger....] dont le pouvoir
fédéral refusera avec la dernière énergie de se défaire. Ces difficultés se
traduisent souvent par des conflits (Cf. la Guerre de Sécession).
Nota : Une seule
exception : le droit pour les Républiques soviétiques de quitter líURSS prévu
par la Constitution
soviétique de 1924. Mais ce droit níétait pas effectif.
* principe de participation : chacune des entités
fédérées participe à la prise de décision au niveau fédéral. Cette
participation est permise grâce à la représentation des entités fédérées au
sein de l'Exécutif fédéral ou surtout du Législatif fédéral.
Généralement, la
représentation au sein du Législatif est double :
- représentation
des États (égalitaire)
- représentation
des populations (proportionnelle)
Ce qui conduit à un
bicamérisme = Parlement de 2 chambres (ex États-Unis: Chambre des
Représentants, Sénat).
* principe d'autonomie : chaque entité fédérée est
autonome. Cette autonomie se manifeste notamment :
- par le fait que
les entités ont généralement une compétence de droit commun. Cela implique que
si la Constitution
fédérale énumère de façon rigoureuse les compétences de líEtat fédéral, elle
laisse ouvert et indéterminé le domaine díaction des entités fédérées qui
pourra donc síélargir avec le temps. Cíest le cas pour l'Allemagne, art. 72,
les États-Unis section VIII, amendement n°X de 1791 qui ont donné une
compétence d'attribution à l'État fédéral et une compétence de droit commun aux
entités fédérées Länder, États fédérés. Pour les États-Unis, la Cour Suprême a admis
que l'État fédéral possédait implicitement les pouvoirs nécessaires à
l'exercice de sa compétence d'attribution.
Terminons en
remarquant qu'il est souvent difficile de distinguer entre un État fédéral et
un État unitaire décentralisé. Cela parce qu'il n'y a pas de différence essentielle
entre décentralisation gouvernementale et décentralisation administrative, État
unitaire et État fédéral. En effet, en dernière analyse, la compétence des
institutions décentralisés et des entités fédérées dépend dans les deux cas
d'un ordre juridique supérieur et peut être modifiée par le pouvoir central. Il
n'y a entre l'un et l'autre système qu'une "différence de degrés".
C La
confédération
La confédération se
présente comme l'association d'États unitaires ou fédérés qui acceptent de
gérer ensemble certaines compétences grâce à des organes communs. Ils forment
une alliance dans un but de coopération dans des domaines plus ou moins
fondamentaux (économie, militaire...). En aucun cas, le ou les organes communs
ne constituent un autre État ni du point de vue interne (pour les individus
membres des États confédérés), ni point de vue externe (pour les autre États
sur la scène internationale).
a) origine
Les confédérations
anciennes se sont constituées historiquement au 18ème et 19ème siècles sur la base
d'une identité ou solidarité nationale qui ne pouvait s'exprimer par la
création d'un seul État (État unitaire/fédéral). Exemples :
- la confédération
des États-Unis de l'Amérique du nord (1778-1787)
- la confédération
germanique (1815/1886).
Ces confédérations,
en tant que formes transitoires ont disparu assez vite lorsqu'elles ont pu
déboucher sur la création d'un seul État. Ex : 1787 pour les États-Unis et 1871
Pour l'Allemagne.
Les confédérations
modernes (celles du 20ème siècle) sont fondées plutôt sur une solidarité
d'intérêts (intérêts économiques, politiques...). Elles sont méconnues car en
trop grand nombre, créées à l'occasion de la conclusion de nombreux traités
internationaux. On peut citer parmi les plus célèbres le Commonwealth, dernier
vestige de l'Empire colonial anglais, l'OTAN, la CEE (à laquelle a succédé líUE en 1992)), etc.
Parmi les plus récentes, la
Sénégambie (1982) qui a disparu depuis, la CEI qui s'est substituée à la
fédération de l'URSS et demain peut être l'alliance entre Bohème Moravie et
Slovaquie, le Canada et le Québec...
b)
caractéristiques
1. le lien de droit
qui unit ces États et précise les compétences des organes communs confédéraux
n'est pas une Constitution mais un traité. Cela manifeste bien que les États
ont conservé leur pouvoir díÉtat et restent indépendants.
2. les organes
communs sont composés de simples délégués des États qui n'ont donc aucun
pouvoir de décision propre ; ils doivent constamment référer à leurs États
respectifs. Leur vote lors de la prise de décision se fait à l'unanimité. Cela
permet de ne pas passer outre l'avis d'un État qui détient en conséquence un
droit de veto.
3. les décisions
prises par les organes communs ne sont pas applicables directement sur les
territoires des différends États confédérés. Elles doivent faire l'objet d'une
autorisation ou d'une ratification interne sans lesquelles elles n'ont pas de
valeur juridique dans l'ordre interne des États.
4. les différents
États peuvent sortir facilement de l'alliance ou de l'association
Nota : le cas de la Suisse. La Suisse est
bien une fédération même si le terme de condédération est utilisé dans sa
nouvelle Constitution pour désigner le pouvoir central (ou fédéral).
D Le cas de líUnion
européenne
On peut s'interroger sur la
nature de l'UE depuis líadoption du traité de Maastricht en 1992. Confédération
ou fédération ? La réponse est si difficile à donner que certains auteurs ont
crée une catégorie sui généris pour líUnion européenne (P. Pactet, notion dí«
organisation supranationale »).
On peut considérer que l'UE
est un système mixte comportant certains traits sans doute plus accentués d'une
fédération et certains traits résiduels propres à une confédération.
a) les
traits propres à une fédération liés à Maastricht
- compétences plus étendues
des organes communautaires (en terme de domaines : politique sociale,
recherche, environnement..., en terme de pouvoirs : possibilité de voter à la
majorité au lieu de l'unanimité dans ces domaines)
- relations entre les
organes communautaires s'apparentant de plus en plus à des relations entre
organes étatiques (exemple : possibilité pour le Parlement européen d'investir
de sa confiance la
Commission.. .) Cf. système de séparation des pouvoirs
- apparition d'une
citoyenneté européenne embryonnaire (droit de circuler et séjourner librement
sur le territoire de États membres, droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales, du Parlement européen, protection des autorités
consulaires et diplomatiques des États européens à l'étranger...)
b) trait
propres à une confédération
- le lien de droit n'est
pas une Constitution mais toujours un traité.
- les organes communs pour
les domaines essentiels, les décisions les plus importantes continuent de voter
à l'unanimité (politique étrangère) et ne constituent pas un État
- les actes communautaires
(notamment de nature législative) ne sont pas tous applicables directement.
Le projet récent du
président Chirac (élaboration à la fin de la présidence française d'un projet
de Constitution européenne) pourrait conduire si cette Constitution était
adoptée à rapprocher le système de líUE díun système fédéral.
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