Rechercher dans ce blog

samedi 21 avril 2018

l'État


 l'État

§1 la justification de l'État
§2 les conditions juridiques de l'existence de l'Etat
§3 les formes d'État



§1: la justification de líÉtat

Le cadre dans lequel peut s'épanouir, se développer le droit constitutionnel classique occidental est l'État. Une institution millénaire puisque les premiers Etats occidentaux dits modernes apparaissent vers le 11ème siècle, notamment en France pour se consolider au 16ème siècle.
L'État est logiquement la première des institutions, celle qui rend possible l'existence de toutes les autres institutions. On ne voit pas en effet comment pourraient exister, fonctionner un Gouvernement, un Parlement, bref un pouvoir politique au sens moderne sans État. C'est le support nécessaire à líaction de ces institutions. LíEtat ne saurait cependant être considéré comme le phénomène essentiel ou encore comme la finalité ultime pour les individus. Nous verrons que selon le droit constitutionnel occidental classique, líEtat est second après les individus et ne doit être quíun moyen pour eux.


On a imaginé plusieurs manières de justifier la présence et la permanence de l'État. Dans le cadre du droit constitutionnel occidental, la justification la plus souvent présentée à partir du 17 ème siècle est contractuelle. LíEtat serait né d'un contrat (ou pacte) passé dans le but díéchapper à la violence privée, à l'arbitraire qui règnent dans les sociétés sans État [idée díétat de nature].  Un contrat de deux sortes possibles :
- le contrat horizontal : soit un contrat passé entre les individus qui décident ensemble d'obéir à un pouvoir unique seul habilité à utiliser la violence (Cf. Hobbes Le Léviathan 1651)
-  le contrat vertical : soit un contrat passé entre les individus et un corps politique constituant composé de cadres, organisations antérieurs à l'État ; par exemple un Roi. (Cf. Locke Traités sur le Gouvernement civil 1690). On trouve trace de ce dernier type de contrats dans l'histoire : en Angleterre, l'accord politique passé entre le Roi Jean sans Terre et les Barons anglais en 1215 (la Grande Charte), en France, l'acceptation par Louis XVI de la Constitution de 1791.
Difficulté : un contrat peut-il à lui seul justifier líEtat ? Évidemment, non. Qui habilite en effet les signataires du contrat à passer ce contrat ? Aucune règle, ni personne. La loi dans le cas díun contrat privé (comme le mariage) habilite les particuliers à la passer. Mais ici, pas de loi, pas de norme juridique. Voilà pourquoi tout État au Moyen Âge avait une justification religieuse.

§2 : les conditions juridiques de líexistence de líEtat
L'État ainsi justifié, fondé ne peut exister sans que soient réunies certaines conditions. Ces conditions peuvent être considérées comme les éléments constitutifs d'un État.

A Premier élément constitutif : l'État est une personne morale juridique
a) personne juridique
C'est un attribut qu'il partage avec les individus, organismes privés et qui fait de lui un sujet de droit. Considéré comme une personne juridique, l'État est alors habilité à exercer une activité juridique, à jouir de certains droits ou à se soumettre à certaines obligations. Par exemple, il peut ester en justice  (faire une action en justice), voir sa responsabilité engagée devant un tribunal.
Bien sûr, líEtat-personne est une fiction construite par le droit (Cf. Duguit : « je n'ai jamais déjeuné avec une personne morale »). Une fiction qui se justifie par de nombreux avantages : l'État se voit doté d'un patrimoine, peut s'engager (notamment financièrement)  sur le long terme, se survit à lui-même alors que les individus qui l'ont représenté, ont agi en son nom ne sont plus de ce monde.


b) personne juridique morale
Il existe deux sortes de personnes juridiques :
- les personnes individuelles
- les personnes collectives qui peuvent être des organismes privés, publics ; on appelle ce dernier type de personnes, des personnes morales.
Définition : ce sont des êtres collectifs, structurés, dotés d'un projet commun, considérés comme des sujets de droit.
Corollaire : tous les individus qui le composent, l'animent vont agir en son nom et le résultat de leur activité sera considéré comme le celui de  la collectivité tout entière.
Exemples : les entreprises économiques, associations et l'État.
Illustration : l'État est bien un être collectif (composé de millions d'agents publics,  fonctionnaires), structuré (organisé au plan hiérarchique avec à sa tête un Chef d'État, au plan géographique en fonction de circonscription administratives : département, région...), doté d'un projet. Et tous les individus qui le composent ont la capacité d'agir en son nom, d'acquérir, de contracter en son nom.


B Deuxième élément constitutif : le pouvoir díÉtat
L'État a pour particularité par rapport à toutes les autres personnes juridiques individuelles ou morales de détenir un pouvoir juridique utilisé dans un but díintérêt général. Ce pouvoir s'exerce sur une population, elle-même située sur un territoire, à l'aide d'organes ou institutions spécifiques.


a) notion de pouvoir díÉtat
Examinons les caractéristiques de ce pouvoir :
- Le pouvoir díÉtat est exercé selon des formes juridiques. En díautres mots, cíest un pouvoir de droit par opposition à un pouvoir de fait. Ses actes obéissent donc à un certain formalisme et sont pris selon une procédure régulière. Ils sont justifiés par une règle de droit (loi, règlement ...). Cela par opposition aux actes pris par des pouvoirs ou autorités de fait qui  ne peuvent síappuyer sur une règle de droit (ou se sont appuyés sur des règles de droit déclarées ultérieurement comme non valables).
- Un tel pouvoir est motivé par la poursuite de líintérêt général ce qui le distingue du pouvoir juridique qui est exercé par des personnes juridiques non étatiques. Ces dernières seront animées par díautres buts, par exemple une entreprise recherche le plus grand profit. La particularité du but poursuivi par líEtat justifie que dans certains pays comme la France, le pouvoir díÉtat soit régi par un droit spécifique quíon appelle droit public. Le droit public est donc l'ensemble des règles se rapportant au fonctionnement des institutions étatiques et par extension aux relations entre ces institutions et les particuliers. Par opposition, le droit privé concerne les relations entre les particuliers ou encore le fonctionnement des organisations créées par des particuliers (par exemple une association Loi 1901).
Il arrive cependant en France que l'État préfère gérer certaines activités en raison de leur objet comme un simple particulier en recherchant le profit ; il s'agit notamment d'activités industrielles et commerciales (comme dans le cas de services publics industriels et commerciaux tels que la SNCF, EDF et GDF ou autrefois díentreprises nationalisées comme Renault). Dès lors, dans ces cas minoritaires, sera appliqué le droit privé ou droit commun.
Notons que dans les pays anglo-saxons, contrairement à la conception française, líEtat est soumis à un droit commun, donc au droit privé; très exactement à un droit public non complètement autonome par rapport au droit privé. Ce "droit public" est simplement considéré comme dérogatoire (= faisant exception sur certains points) par rapport au droit commun. Ceci síexplique par líinfluence de líidéologie libérale qui considère quíon doit traiter de la même façon, à égalité l'État et les individus.
En France, la dualité de droit a une conséquence essentielle : líexistence díune dualité de juridiction. Pour ce qui concerne l'État et ses relations avec les particuliers, il existe un juge spécialisé, un juge de droit public ; pour ce qui concerne les  particuliers (et les personnes morales créées par eux), cíest le juge ordinaire qui síen occupera.
- Enfin le pouvoir díÉtat a pour caractéristique díêtre sanctionné par la force. LíEtat a le monopole de la violence légitime (car justifiée par le droit).


b) modalités d'exercice du pouvoir díÉtat
Ce pouvoir s'exerce sur une population, sur un territoire à líaide díinstitutions ou díorganes spécifiques :
- une population.  Il n'y a pas d'État sans une population. Cette population ne s'identifie pas forcément à une Nation même si en Occident, c'était à l'origine presque toujours le cas.


Nota : notion de Nation
Une  Nation est une population qui est unie :
- par des liens objectifs (comme l'origine géographique, líunité de langue, de religion, díethnie...) selon la conception objective d'origine allemande (Cf. Fichte)
- ou des liens spirituels (comme la volonté de vouloir vivre ensemble...) selon la conception subjective d'origine française.
Il existe des Nations sans État (la Nation kurde, palestinienne), des États sans Nation comme certains États du tiers monde crées artificiellement à partir des anciennes frontières coloniales (d'où la situation inverse par rapport à l'Occident : antériorité de l'État), des États binationaux (comme le Canada) ou multinationaux (comme l'ancienne URSS)

- un territoire. Il n'y a pas d'État sans territoire [= un espace terrestre, maritime, aérien délimité par des frontières (qui sont des lignes matérialisées sur une carte dont le franchissement emporte des conséquences juridiques)]. La notion de frontière nía été formalisée que tardivement, au 16ème siècle. Cíest une notion inconnue à l'époque de l'empire Romain et des Empires africains du Massina, du Ghana...

- des institutions. Il n'y a pas d'État sans un appareil díÉtat, cíest-à-dire sans des institutions ou organes spécifiques exerçant un pouvoir juridique effectif. Un tel pouvoir est consenti et contrôlé par les gouvernés dans le cadre du droit constitutionnel occidental (principe de la représentation démocratique). Ce n'est pas nécessairement le cas dans le cadre des autres droits constitutionnels.
Ces institutions ou organes (qui concrètement se présentent comme des bureaux, conseils, assemblées) sont appelés :
- au niveau le plus haut : Institutions politiques. Exemples : le Président de la République, l'Assemblée Nationale, le Sénat, etc. Cíest le Gouvernement (au sens large).
- au niveau inférieur : Institutions administratives. Exemples : le Préfet, le Maire, etc... Cíest l'Administration au sens large.
Ces institutions (qu'on peut appeler aussi pouvoirs publics) connaissent en France des règles de fonctionnement spécifiques qui sont précisées par le droit public. Les institutions politiques sont régies par une branche du droit public quíon appelle droit constitutionnel. Le terme de droit constitutionnel se rapporte évidemment à líidée de Constitution quíon entendait dans un sens biologique à líorigine. On parlait de la constitution de líEtat comme de la constitution díun animal. Les institutions administratives  sont régies par une autre branche du droit public quíon appelle droit administratif.
La dualité díinstitutions au sein de líEtat conduit à une autre dualité de juridiction.
Il faut distinguer :
- pour les institutions politiques, il s'agit du juge constitutionnel (soit un seul tribunal mais qui est au sommet de la hiérarchie des tribunaux de droit public et de droit privé; le Conseil constitutionnel)
- pour les institutions administratives, il s'agit du juge administratif (soit une pyramide de tribunaux avec au sommet le Conseil d'État) : il existe aux États-Unis, en Angleterre une unité de juridiction au profit du juge ordinaire; cíest-à-dire quíil níexiste dans ces pays quíune sorte de juge compétent, le juge de droit privé même pour ce qui concerne l'État.

Après avoir examiné les conditions d'existence de líÉtat, nous pouvons étudier les formes d'État possibles.

§3 les formes d'État
Il ne faut pas confondre formes d'État et formes de gouvernements  (ou encore de régimes politiques). Elles varient indépendamment les unes des autres. On distingue 3 grandes formes d'État :


A l'État unitaire
C'est un État dans lequel líexercice du pouvoir juridique díÉtat est monopolisé par un seul centre politique ou Gouvernement central. Corollaire : tous les individus sont soumis au même Gouvernement et aux mêmes normes juridiques (Constitution,  lois et règlements avec des dérogations possibles dans ces deux derniers cas).
Cette forme d'organisation qui caractérise l'État français actuel et la majorité des États dans le monde est la plus ancienne. Historiquement, les premiers États occidentaux apparus au 11ème, consolidés au 17ème siècle siècle étaient unitaires.
On distingue deux types d'États unitaires :


a) les États centralisés : État dans lequel le pouvoir juridique díÉtat est exercé par des agents nommés et soumis à líautorité hiérarchique du Gouvernement central. Ils níont donc aucun pouvoir juridique propre.
Un État centralisé est généralement déconcentré au sens où certains de ses agents bénéficiant de  délégation pourront être délocalisés. Exemple : le Préfet en France.
(Nota: la concentration est un mode théorique d'organisation administrative)


b) les États décentralisés : État dans lequel le pouvoir juridique díÉtat est confié aux individus eux-mêmes qui, à travers certaines institutions administratives autonomes vont síadministrer avec un contrôle souple du Gouvernement central.
Cette auto-administration se fait généralement à travers des autorités élues : en France, le Conseil municipal général, régional...
L'autonomie des institutions décentralisées se manifeste par le fait qu'elles ont la personnalité juridique (ce qui leur permet d'avoir leurs propres agents publics et ressources). Ces institutions ou personnes décentralisées disposent d'une compétence spécialisée sous le contrôle de l'État. Ce contrôle qu'exerce l'État peut être plus ou moins sévère : en France on distingue la tutelle (contrôle administratif exercé par le Préfet sur les personnes et les actes) du contrôle juridictionnel moins sévère (contrôle sur les actes exercé par les préfets qui déférent ces actes devant les juridictions lorsqu'ils estiment qu'ils sont illégaux).

On connaît deux types de décentralisation :

- la décentralisation fonctionnelle : elle consiste à reconnaître un pouvoir de décision à des services publics autonomes disposant de la personnalité morale. Elle est souvent réalisée à travers des Établissements publics qui ont une sphère d'activité déterminée ou spécialisée (Cf. le principe de spécialité en droit administratif). Ex : les Universités ont en vertu de l'article 20 de la loi n°84-52 du 26 janvier 1984 comme spécialité la recherche, la formation et la documentation.
- la décentralisation territoriale : elle consiste à reconnaître un pouvoir de décision à des collectivités territoriales. Ces dernières ont une activité spécialisée en fonction d'une limite géographique. En France, 3 types de collectivité territoriales sont directement prévues par la Constitution (art. 72) : les communes, les départements et les T.O.M. Mais la Constitution donne la possibilité au législateur d'instituer d'autres collectivités territoriales ; ce qu'il a fait en 1982 en transformant la région en collectivité territoriale.
La France connaît depuis le 19ème siècle un processus lent de décentralisation. Les deux dernières étapes sont les suivantes :


1) la loi du 2 mars 1982 (sur les droits et libertés des communes, départements et régions) qui a notamment transmis la majorité des pouvoirs qui étaient aux mains des organes déconcentrés (Cf. les préfets) au profit des organes décentralisés qui sont tous élus maintenant.  Cette loi a aussi supprimé en grande partie la tutelle au profit d'un contrôle de légalité effectué par le juge administratif à la demande du Préfet (= déféré).
[Nota: le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité du déféré préfectoral même si dans ses modalités ce déféré tel qu'il résultait de la loi du 2 mars 1982 avait été jugé non conforme à la Constitution. Les modalités du contrôle des actes des collectivités territoriales ont été revus par la loi du 22 juillet 1982.]


2) les lois de décentralisation récentes concernant les DOM et TOM et maintenant la Corse.
- Concernant la Nouvelle Calédonie, les accords de Nouméa qui ont donné lieu ensuite à une révision de la Constitution intervenue en 1998 (Nouveau Titre XIII, articles 76 et 77. Loi n° 98-610 du 20 juillet 1998) ont prévu notamment :
- líinstauration díune citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci traduit la communauté de destin choisie et s'organiserait, après la fin de la période d'application de l'accord, en nationalité, s'il en était décidé ainsi.
- certaines délibérations du Congrès auront le caractère de loi du pays et de ce fait ne pourront être contestées que devant le Conseil constitutionnel avant leur publication, sur saisine du représentant de l'Etat, de l'Exécutif de la Nouvelle Calédonie, d'un président de province, du président du Congrès ou d'un tiers des membres du Congrès.
- le Sénat coutumier sera obligatoirement saisi des projets de lois du pays et de délibération lorsqu'ils concerneront l'identité kanak au sens du présent document. Lorsque le texte qui lui sera soumis aura le caractère de loi du pays et concernera l'identité kanak, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie devra à nouveau délibérer si le vote du Sénat coutumier n'est pas conforme. Le vote du Congrès s'imposera alors.
- Les compétences détenues par l'Etat seront transférées à la Nouvelle-Calédonie dans les conditions suivantes :
* certaines seront transférées dès la mise en úuvre de la nouvelle organisation politique ;
* d'autres le seront dans des étapes intermédiaires ;
* d'autres seront partagées entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie ;
* les dernières, de caractère régalien, ne pourront être transférées qu'à l'issue de la consultation mentionnée au 5.
[La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l'accès à un statut international de pleine responsabilité et l'organisation de la citoyenneté en nationalité. Si la réponse des électeurs à ces propositions est négative, le tiers des membres du Congrès pourra provoquer l'organisation d'une nouvelle consultation qui interviendra dans la deuXIe année suivant la première consultation. Si la réponse est à nouveau négative, une nouvelle consultation pourra être organisée selon la même procédure et dans les mêmes délais. Si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée].

- Concernant la Corse, les accords de Matignon prévoient de doter la Corse díun pouvoir réglementaire (permettant à líAssemblée de Corse díadapter les textes réglementaires), díun pouvoir législatif (permettant à cette Assemblée de déroger par ses délibérations à certaines dispositions législatives dans des conditions définies par le Parlement national).
Cette dernière étape conduit à une sorte de "régionalisation" qui rapproche alors la France, État unitaire díun État fédéral. Ce type de régionalisation existe déjà en Italie et en Espagne. Ainsi la Constitution italienne de 1947 a divisé l'Italie en 20 régions dotées d'un pouvoir législatif dans des matières nombreuses (énumérées à l'article 117) : police locale, assistance publique, médicale, urbanisme... mais dans « les limites des principes fondamentaux établis par les lois de líEtat ». Limites qui níont pas été prévues pour la Corse. Concernant les lois de la République italienne, les régions italiennes peuvent faire des propositions aux chambres pour les modifier ; la réunion de 5 conseils régionaux pouvant déclencher un référendum d'abrogation d'une loi nationale. L'abrogation reste cependant exclue en matière financière et fiscale, en matière pénale et à propos des lois de ratification des traités (art. 75). Enfin, aux termes de líarticle 123, les régions déterminent elles-mêmes leur statut établissant leur organisation intérieure. Cependant une loi de la République doit approuver ces statuts.
Il est difficile de caractériser la forme díÉtat adoptée par la France. Cíest un État à la fois centralisé et déconcentré pour certaines compétences administratives (exemple : les affaires sociales, la Poste...) et décentralisé de manière classique pour le reste (exemple : l'urbanisme, la voirie...) sauf pour ses territoires « exotiques » où líon peut parler presque de fédéralisme.

B líEtat fédéral
Cíest un État dans lequel le gouvernement central confie líexercice de certaines compétences à des entités (Républiques, Provinces...) qui vont se diriger elles-mêmes. Corollaire : les individus seront soumis à des normes fédérales communes (Constitution fédérale, lois fédérales...) et à des normes locales propres aux entités fédérées (Constitution, lois des entités fédérées). Le gouvernement central conserve en général des compétences dites « régaliennes » [droit de faire la guerre, droit d'avoir des représentations diplomatiques à l'étranger, droit de battre monnaie].


 a) origine
Le phénomène fédératif est récent. Si l'on excepte les États-Unis 1787, les principales fédérations sont nées au 20ème siècle. Elles sont apparues notamment pour prendre en compte des particularismes linguistiques, culturels... Ce que n'arrivait pas à faire la décentralisation. Dans le tiers monde, il a été ainsi plus facile de résoudre les difficultés nées de la décolonisation (Asie : Chine, Malaisie, Indonésie, Afrique : Nigeria capitale Abuja).
Les fédérations peuvent naître à la suite díun processus :
- soit de regroupement díÉtats unitaires qui fusionnent pour créer au dessus díeux une nouvelle collectivité étatique, un super État qui seul sera reconnu comme État en droit international. Les États regroupés perdent leur qualités d'État : d'ailleurs, le terme d'État n'est généralement pas utilisé pour les qualifier (provinces au Canada, Républiques dans l'Ex-URSS, Länder en Allemagne, Cantons en Suisse...) ; ce sont de simples entités fédérées.
Exemple : les États-Unis en 1787
- soit  de division díun État unitaire qui accepte que des entités seulement décentralisées jusque là deviennent fédérées et disposent alors díun pouvoir constituant, législatif, réglementaire propre.
Exemple : líURSS en 1924, la Tchécoslovaquie en 1969
Nota : on peut síinterroger sur le cas de la Belgique, ancien État unitaire dont la nouvelle Constitution du 5 mai 1993 s'intitule Constitution fédérale. L'État belge devenu pouvoir central a procédé à une redistribution en profondeur de certains de ses pouvoirs au profit de 3 régions et 3 communautés. Dans des domaines comme l'enseignement, la culture, la politique sociale, la loi nationale cesse d'être valable. Seules les communautés flamande, française et germanophone sont amenées à intervenir par voie de décret. Dans d'autres domaines comme l'aménagement du territoire, la loi cesse d'être valable et les régions wallonne, flamande, bruxelloise sont compétentes. Compte tenu de la complexité et multiplicité des institutions mises en place, on aboutit à un extrême morcellement des compétences et des conflits constants de compétences.
Síagit-il vraiment díune fédération ? Les régions et communautés níont pas vraiment obtenu la capacité de se diriger : pas de pouvoir constituant, pas de système juridictionnel propre.


b) fonctionnement
Toutes les fédérations appliquent avec plus ou moins de rigueur les principes suivants :
* principe de superposition : il existe dans toute fédération deux niveaux de compétences qui sont superposés. Le pouvoir fédéral produit ainsi ses propres normes dont líapplication est contrôlée par son propre système juridictionnel coiffé díune Cour suprême. Il en est de même pour les entités fédérées qui produisent leurs propres normes et ont leur propre système juridictionnel. Il reste que le pouvoir fédéral est supérieur à celui des entités fédérées. Cela implique notamment que ses décisions s'appliquent directement dans l'ordre juridique interne des entités fédérées. Il y a donc primauté du droit fédéral sur le droit interne. (Voir la clause de supériorité aux États-Unis - art VI de la Constitution de 1787 - précisant les modalités d'application). Ces décisions sont donc opposables à toute personne juridique sur le territoire entier du territoire fédéral.
On comprend alors pourquoi  il est très difficile pour les différentes unités fédérées de sortir de la fédération pour (re)devenir des États. Cela équivaut à ce quíelles récupèrent des compétences « régaliennes » [droit de faire la guerre, droit d'avoir des représentations diplomatiques à l'étranger....] dont le pouvoir fédéral refusera avec la dernière énergie de se défaire. Ces difficultés se traduisent souvent par des conflits (Cf. la Guerre de Sécession).
Nota : Une seule exception : le droit pour les Républiques soviétiques de quitter líURSS prévu par la Constitution soviétique de 1924. Mais ce droit níétait pas effectif.
* principe de participation : chacune des entités fédérées participe à la prise de décision au niveau fédéral. Cette participation est permise grâce à la représentation des entités fédérées au sein de l'Exécutif fédéral ou surtout du Législatif fédéral.
Généralement, la représentation au sein du Législatif est double :
- représentation des États (égalitaire)
- représentation des populations (proportionnelle)
Ce qui conduit à un bicamérisme = Parlement de 2 chambres (ex États-Unis: Chambre des Représentants, Sénat).
* principe d'autonomie : chaque entité fédérée est autonome. Cette autonomie se manifeste notamment :
- par le fait que les entités ont généralement une compétence de droit commun. Cela implique que si la Constitution fédérale énumère de façon rigoureuse les compétences de líEtat fédéral, elle laisse ouvert et indéterminé le domaine díaction des entités fédérées qui pourra donc síélargir avec le temps. Cíest le cas pour l'Allemagne, art. 72, les États-Unis section VIII, amendement n°X de 1791 qui ont donné une compétence d'attribution à l'État fédéral et une compétence de droit commun aux entités fédérées Länder, États fédérés. Pour les États-Unis, la Cour Suprême a admis que l'État fédéral possédait implicitement les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence d'attribution.

Terminons en remarquant qu'il est souvent difficile de distinguer entre un État fédéral et un État unitaire décentralisé. Cela parce qu'il n'y a pas de différence essentielle entre décentralisation gouvernementale et décentralisation administrative, État unitaire et État fédéral. En effet, en dernière analyse, la compétence des institutions décentralisés et des entités fédérées dépend dans les deux cas d'un ordre juridique supérieur et peut être modifiée par le pouvoir central. Il n'y a entre l'un et l'autre système qu'une "différence de degrés".

C La confédération
La confédération se présente comme l'association d'États unitaires ou fédérés qui acceptent de gérer ensemble certaines compétences grâce à des organes communs. Ils forment une alliance dans un but de coopération dans des domaines plus ou moins fondamentaux (économie, militaire...). En aucun cas, le ou les organes communs ne constituent un autre État ni du point de vue interne (pour les individus membres des États confédérés), ni point de vue externe (pour les autre États sur la scène internationale).
a) origine
Les confédérations anciennes se sont constituées historiquement au 18ème et 19ème siècles sur la base d'une identité ou solidarité nationale qui ne pouvait s'exprimer par la création d'un seul État (État unitaire/fédéral). Exemples :
- la confédération des États-Unis de l'Amérique du nord (1778-1787)
- la confédération germanique (1815/1886).
Ces confédérations, en tant que formes transitoires ont disparu assez vite lorsqu'elles ont pu déboucher sur la création d'un seul État. Ex : 1787 pour les États-Unis et 1871 Pour l'Allemagne.
Les confédérations modernes (celles du 20ème siècle) sont fondées plutôt sur une solidarité d'intérêts (intérêts économiques, politiques...). Elles sont méconnues car en trop grand nombre, créées à l'occasion de la conclusion de nombreux traités internationaux. On peut citer parmi les plus célèbres le Commonwealth, dernier vestige de l'Empire colonial anglais, l'OTAN, la CEE (à laquelle a succédé líUE en 1992)), etc. Parmi les plus récentes, la Sénégambie (1982) qui a disparu depuis, la CEI qui s'est substituée à la fédération de l'URSS et demain peut être l'alliance entre Bohème Moravie et Slovaquie, le Canada et le Québec...
b) caractéristiques
1. le lien de droit qui unit ces États et précise les compétences des organes communs confédéraux n'est pas une Constitution mais un traité. Cela manifeste bien que les États ont conservé leur pouvoir díÉtat et restent indépendants.
2. les organes communs sont composés de simples délégués des États qui n'ont donc aucun pouvoir de décision propre ; ils doivent constamment référer à leurs États respectifs. Leur vote lors de la prise de décision se fait à l'unanimité. Cela permet de ne pas passer outre l'avis d'un État qui détient en conséquence un droit de veto.
3. les décisions prises par les organes communs ne sont pas applicables directement sur les territoires des différends États confédérés. Elles doivent faire l'objet d'une autorisation ou d'une ratification interne sans lesquelles elles n'ont pas de valeur juridique dans l'ordre interne des États.
4. les différents États peuvent sortir facilement de l'alliance ou de l'association

Nota : le cas de la Suisse. La Suisse est bien une fédération même si le terme de condédération est utilisé dans sa nouvelle Constitution pour désigner le pouvoir central (ou fédéral).

D Le cas de líUnion européenne
On peut s'interroger sur la nature de l'UE depuis líadoption du traité de Maastricht en 1992. Confédération ou fédération ? La réponse est si difficile à donner que certains auteurs ont crée une catégorie sui généris pour líUnion européenne (P. Pactet, notion dí« organisation supranationale »).
On peut considérer que l'UE est un système mixte comportant certains traits sans doute plus accentués d'une fédération et certains traits résiduels propres à une confédération.
a) les traits propres à une fédération liés à Maastricht
- compétences plus étendues des organes communautaires (en terme de domaines : politique sociale, recherche, environnement..., en terme de pouvoirs : possibilité de voter à la majorité au lieu de l'unanimité dans ces domaines)
- relations entre les organes communautaires s'apparentant de plus en plus à des relations entre organes étatiques (exemple : possibilité pour le Parlement européen d'investir de sa confiance la Commission...) Cf. système de séparation des pouvoirs
- apparition d'une citoyenneté européenne embryonnaire (droit de circuler et séjourner librement sur le territoire de États membres, droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, du Parlement européen, protection des autorités consulaires et diplomatiques des États européens à l'étranger...)
b) trait propres à une confédération
- le lien de droit n'est pas une Constitution mais toujours un traité.
- les organes communs pour les domaines essentiels, les décisions les plus importantes continuent de voter à l'unanimité (politique étrangère) et ne constituent pas un État
- les actes communautaires (notamment de nature législative) ne sont pas tous applicables directement.
Le projet récent du président Chirac (élaboration à la fin de la présidence française d'un projet de Constitution européenne) pourrait conduire si cette Constitution était adoptée à rapprocher le système de líUE díun système fédéral.
  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire